vendredi 19 février 2010

Colloque : vivre avec l'Islam? Synthèses

vendredi 19 février 2010

Colloque : vivre avec l'Islam?, conclusion

 Un petit compte rendu plus personnel sur ce colloque, quelques impressions :
Le collège des Bernardins comporte plusieurs salles et nous étions dispersés dans toutes ces salles. Les intervenants se trouvaient dans un amphithéâtre dans lequel moi-même je n'étais pas mais ça n'était pas gênant : chaque salle est équipée d'un écran et d'une très bonne retransmission audio. (gros plans sur celui qui parle) J'étais  dans une salle cryptée (crypte au sous-sol, magnifique) avec d'autres (une trentaine dans ma salle, les mêmes durant les deux jours.)
Nous étions entre 500 et 600 inscrits ce qui est pas mal je trouve et ce qui prouve que le sujet de l'islam ne laisse plus indifférent. Le vendredi, une très grande majorité de retraités hommes et femmes, peu "d'actifs" et quelques jeunes étudiants.
Le samedi, plus d'actifs.


Beaucoup de chrétiens d'Orient, très participants durant les conférences. Cela m'a frappée : les chrétiens d'Orient approuvent bruyamment à chaque fois que l'un des intervenants s'oppose à l'Islam, sa doctrine et sa culture,(par exemple lorsque Moh-Christopher explique que l'Église ne peut aller plus loin dans le dialogue avec l'islam sans se compromettre ou par exemple lorsque Annie Laurent exprime son doute quant à une réforme possible du Coran  ou encore lorsque Monseigneur Aillet explique l'inquiétude des élus face à la déchristianisation des régions françaises etc...) Les chrétiens d'orient ont une inquiétude très forte, très grande, palpable quant à la moindre dhimmitude qui touche leurs frères d'Occident. Ils considèrent que le salut ne peut venir que d'occident et ils mettent en garde très énergiquement cette Europe et l'Église! qui ne voient pas le danger. C'est cela qui m'a marquée, j'ai pu parler à des pauses avec l'un d'entre eux, qui était dans ma salle et dont l'urgence à prévenir était saisissante. Ce type passait ses journées à ça. : prévenir.
Lors d'une table ronde, le samedi un certain père Roucou a commencé par dire qu'il  trouvait que l'on faisait le tribunal de l'islam à ce colloque et que certains musulmans qui étaient à côté de lui l'avaient ressenti comme cela. Il s'est fait siffler dans la salle et Annie Laurent l'a repris plusieurs fois sur ses assertions (à mon sens très charitables envers les musulmans mais qui manquaient de Vérité). Les deux pendants étaient au cœur du colloque, l'équilibre difficile à trouver. Bon, avec le père Roucou, ça a été la seule "passe d'armes" si je puis dire.

Cyril Tisserand, fondateur de l'association du Rocher (actions et évangélisation au coeur des cités) a fait un beau témoignage, très engagé spirituellement. Mais le doute et la question demeurent : est-ce vraiment efficace? Il faut comprendre qu'on a le sentiment d'être un peuple vaincu, déjà, et que toute solution paraît comme de retenir la grille avant qu'elle ne saute, submergée par des masses incontrôlables... Voilà un peu ce que j'ai ressenti au travers de tous ces appels poignants à la conversion des chrétiens d'abord et des musulmans ensuite.

jeudi 18 février 2010

I/ Père Vandevelde : quel dialogue avec l'Islam ? II/ Table ronde : quelles perspectives pour les chrétiens?

Remarques préliminaires : 
- Avant cette table ronde, il y avait eu l'intervention du Père Vandevelde sur le thème : quel dialogue avec l'islam?
J'ai eu d'énormes difficultés à prendre des notes et à comprendre son propos assez "élevé" intellectuellement : je donne ici, de façon succincte ce que j'ai compris et qui permet d'expliquer la "sortie" du Père Roucou au début de la table ronde.
Je reviendrai demain dans un dernier billet plus générale, sur mes impressions sur le public du colloque et sur quelques réflexions qui me sont venues à l'esprit.

Père Vandevelde : quel dialogue avec l'Islam? 


La question d'un dialogue avec l'Islam peut légitimement se poser car ce dialogue tel qu'il se présente aujourd'hui tient plutôt de l'armistice où les musulmans prescrivent leurs diktat. Il nous faut nous chrétiens reprendre la main dans ce "dialogue" et le nombre de convertis provenant de l'Islam doit nous faire dépasser le mythe que l'Eglise n'est pas faite pour les musulmans.
Ce dialogue avec l'islam est de même nature que celui avec la Modernité convenue. Il y a de part et d'autre le refus du Verbe incarné. L'heure est à la confrontation loyale et courageuse car c'est le Salut éternel des personnes qui en dépend.

Sur le terrain théologique
La distinction entre Islam et musulmans n'est pas essentielle ici dans mon propos.
Les musulmans, au regard de l'Eglise n'ont pas de régime spécial : ce sont des hommes commes les autres tombés dans le péché et relevés par Dieu. Ce salut n'est pas que transcendantal : en effet, les événements du Salut ne se répètent à l'infini dans l'histoire et dans chaque homme, il y a  un seul salut surnaturel qu'il faut connaître et la Révélation est tout entière comprise dans le judéo-christianisme.
On propose parfois pour l'Islam le statut de religion naturelle mais ce statut est inaproprié. En effet :
-dans la réalité, il n'y a jamais de nature pure.
-l'Islam semble être la dérive, la manipulation, la réécriture désastreuse de matériaux judéo-chrétiens.
L'Islam  apparaît donc comme une profanation objective de matériaux bibliques par des hommes subjectivement sincères.


Sur le terrain philosophique
C'est le terrain de la rationnalité par rapport à celui de la polémique et des revandications communautaires.
Il est urgent de retrouver la grammaire commune de l'humanité c'est à dire la loi naturelle.
La grandeur de Dieu a été reconnue dans toutes les cultures et à partir de ce socle naturel se fonde la liberté religieuse c'est à dire le droit de tout homme à être libre de toute contrainte religieuse, précisément pour rendre hommage à ce Dieu et à sa grandeur.
Il y a un double registre : la connaissance naturelle de Dieu et la liberté religieuse qui permet d'accéder à la connaissance du Salut, à la foi catholique.
La rencontre, le dialogue avec l'autre doit se situer sur ce terrain de la rationnalité.
La transmission du patrimoine culturel français et européen est la voie royale pour le dialogue sans toucher au prosélytisme ou à la laïcité.


 II/ Table ronde avec le Père Roucou et Mgr Sleiman et une responsable de l'Aide à l'Eglise en détresse : quelles perspectives pour les chrétiens?


Père Roucou : j'ai le sentiment à ce colloque d'être un peu au tribunal de l'Islam. On peut débattre intellectuellement sur l'Islam mais sans manquer de respect et d'estime pour les musulmans qui assistent à ce colloque. Je distinguerai quant à moi l'Islam et les musulmans.
Nous avons du mal à réaliser que 70% des musulmans dont nous parlons sont français, de nationalité française.
La référence absolue avant la théologie ou la philosophie c'est l'attitude du Christ dans les évangiles (face à la Samaritaine)
Ma crainte est que dans ce face à face nous nous enfermions chacun dans nos communautés. Ces communautés sont deux mondes différents qui ne se rencontrent pas. Les différences sont certes d'ordre doctrinales mais aussi culturelles. Il faut nouer des relations fraternelles entre les deux communautés.
J'ai été toujours accueilli en pays du Moyen Orient avec beaucoup de respect, d'estime et de fraternité par mes frères coptes.
[la crevette : le Père Roucou a été "chahuté" tout le temps de son intervention par l'assemblée, en particulier par les chrétiens d'Orient qui assistaient nombreux à ce colloque]


Monseigneur Sleiman : Père Roucou, si vous avez été bien accueilli en pays du Moyen Orient c'est que vous bénéficiez d'un statut "sacré" en tant qu'Européen ou Américain, il faut le savoir.


Annie Laurent : dans ce colloque, je n'ai pas le sentiment du tout de manquer de respect envers qui que ce soit. Il n'y a pas desujets tabous, malgré certaines divergences. Les relations avec les musulmans sont façonnées par une doctrine, les deux sont indissociables et il faut bien connaître cette doctrine (la leur et la nôtre) pour avoir de bonnes relations avec les musulmans. Il est essentiel que nous chrétiens sachions qui nous sommes vraiment. J'attends toujours que la conférence épiscopale prenne à bras le corp le problème de la catéchèse en France. C'est un problème grave et urgent, l'enjeu de l'enseignement d'une vraie et bonne catéchèse est considérable.
J'ai entendu un prélat dire qu'il fallait lire le Coran pour être rassuré quant à l'Islam!! Ineptie totale.!!
Si on est animé d'un amour sincère envers nos frères musulmans, le moins que l'on puisse faire est de leur offrir les trésors de notre foi! Et aussi les interpeller sur toutes les questions délicates des inégalités, de la violence envers les femmes ou autres, etc...
Paul VI dans "Ecclésiam suam" explique que l'on dialogue avec autrui dans une perspective de finalité, pas dans le vide... Ici la finalité est le Salut des âmes. Il nous faut retrouver un esprit missionnaire.
D'autres questions qui "fâchent" : celle du communautarisme : j'ai entendu un prêtre dire qu'il fallait répondre aux besoins de l'Islam!! On pousse ainsi les musulmans à créer des poches d'Oumma en Europe et en France, ce qui n'est pas acceptable. Un exemple de réponse dévoyée à ces besoins de l'Islam : les aumoneries musulmanes dans les prisons ou dans l'armée. Mais les musulmans n'ont pas de "prêtres" au sens strict du terme. On utilise des critères chrétiens piur les appliquer aux musulmans et on crée ainsi ces condition au communautarisme musulman.


La responsable de l'AED : les chrétiens en terre d'Islam sont persécutés et nous ne devons pas les oublier. Ils sont toujours présents à l'heure d'aujourd'hui, de moins en moins certes mais toujours là. Nous formons avec eux une communauté de prière et nous devons être leur voix là où ils ne peuvent plus parler.


Monseigneur Sleiman : à propos du dialogue islamo-chrétien : je me pose vraiment la question de savoir si nous l'avons déjà entamé?!
En Irak, les relations entre chrétiens et musulmans ont été détruites. Le fondamentalisme est rentré dans les mentalités, la culture. Nous avons été victimes de trop de démagogie et il nous dépasser les instants critiques du dialogue, rentrer dans les questions qui fâchent pour évoquer ce qui me paraît essentiel  : le statut de la femme qui représente l'humanité devant Dieu. La femme devient prêtre par nature, l'homme devient prêtre par ordination.
Autre difficulté de ce dialogue : le problème de la culpabilisation de l'Eglise de France. Nous n'arrivons toujours à nous dire chrétiens sans complexe ce qui rend impossible l'annonce de la Bonne Nouvelle du Salut. Il faut refaire l'histoire, les chrétiens doivent dépasser leur passé, en particuliers les vieilles églises orientales.
Enfin, dernière difficulté, celle de la communauté. La communauté protège les personnes mais dans le sens où elle doit être au service des personnes, de ses membres. La première communauté est celle de la famille. Il n'y aura pas d'avenir de l'homme sans famille et sans enfants.

Quelle est la place dans l'Eglise pour les musulmans convertis?











 Témoignage de Moh-Christopher Bilek, fondateur de l'association  Notre Dame de Kabylie.

En préliminaires, je veux préciser la question du colloque : comment vivre avec l'Islam ? En ce qui me concerne, je ne veux plus rien à voir avec l'Islam, la page est tournée. C'est plutôt comment vivre avec les musulmans qui m'intéresse, vivre avec eux, c'est ce que je fais.

Une évidence à rappeler : les musulmans sont aimés de Dieu. Jésus est mort pour les chrétiens mais aussi pour les musulmans. De ce point de vue, du point de vue du Salut, les musulmans sont sur un pied d'égalité avec les chrétiens. Il nous faut nous chrétiens nous rappeler la parabole de la brebis égarée ("Je viens pour celle qui est perdue") pour comprendre le projet de Dieu sur les musulmans, leur conversion.

Quand j'ai commencé à cheminer dans la conversion au catholicisme, j'ai eu à cœur de comprendre que Jésus était venu aussi pour ceux que j'aime, pour les miens. Je n'aurais pas pu me convertir sans cette certitude.

La conversion se fait à Dieu uniquement. Personne ne convertit personne. Je me suis converti en 1970, mon épouse en 2005. Personne ne m'a imposé cette conversion à moi ou à mon épouse, il s'agit d'une adhésion libre. Ceci est très important car pour un musulman, ce dernier fait partie d'une Masse où l'individu, sa liberté personnelle est niée.

Pour ce cheminement de conversion, j'ai franchi trois portes verrouillées :

La première porte à franchir, au sens propre : un jour, vers l'âge de 10-11 ans, je suis rentré dans une église (en France) et j'ai été saisi, immédiatement, par l'atmosphère, l'odeur d'encens, les tableaux, les statues, les confessionnaux. On m'avait persuadé qu'entrer dans une église provoquerait la colère de petits démons [la crevette : je n'ai pas retenu le nom exact donné par Moh-Christopher de ces démons] et je me suis aperçu qu'il ne s'est rien passé à mon égard et j'ai traversé, de nombreuses fois, cette église, ce qui me permettait d'arriver à l'heure à l'école.
Par ailleurs, j'écoutais le dimanche matin au poste de TSF les émissions religieuses, celles des juifs et des protestants en particulier. J'avais appris par cœur, comme tout enfant musulman, treize sourates du Coran. Mais sans les comprendre. Et en écoutant les émissions de radio, je me posais la question de savoir pourquoi on m'avait enseigné quelque chose sans me l'expliquer. Cela me taraudait. Pourquoi ces questions infinies d'un côté, chez les chrétiens, et le silence, le manque de recherche, chez les musulmans.
Je vais ainsi étudier Saint Jean, avec les protestants, je découvre que Dieu se met à la portée de l'homme, qu'Il demande humblement à l'homme de croire en Lui. Cela me touche évidemment et j'ai toujours le sentiment que l'on me cache des choses dans l'Islam. Le Jésus du Coran n'est pas le Jésus que je découvre chez les chrétiens.
Une chose va l'emporter : la question des miracles. En effet, chez les musulmans, Jésus ne fait pas de miracle! Comment quelqu'un qui prétend parler au nom même de Dieu ne peut-il pas faire de signes?
Le Jésus de la Bible m'apparaît comme le seul digne de croyance.
Je m'aperçois enfin, au travers de l'histoire de l'Afrique du Nord, de l'Algérie, que ces pays ont été chrétiens avant tout et qu'ils ont bénéficié d'un foisonnement de martyrs. Je préfère croire en celui qui donne sa vie pour sa foi plutôt qu'en celui qui prend la vie au nom de sa foi.

Deuxième porte à ouvrir : la critique du Coran. Un musulman nait musulman, meurt musulman et une conversion à une autre religion ne signifie rien. On est musulman et c'est tout. Il y a des degrés de pratique mais il n'en demeure pas moins que l'on est musulman et que cela ne peut "s'enlever". Il faut observer que la non croyance en des conversions de musulmans au christianisme, le doute quant à ses conversions est très fort dans l'Église (chez des prêtres!) et chez les chrétiens.

Troisième porte à déverrouiller : le conflit avec l'Oumma. La force de la communauté, de l'Oumma fait partie intégrante de l'Islam. Cette communauté est ce qui maintient, en fait, la cohésion de l'Islam. La fraternité revendiquée dans l'Islam qui est en fait une surveillance de tous les instants et pour tout et donc un déni total de ma liberté est un poids incroyable. Ce n'est pas l'individu qui pose problème, mais le groupe. Lorsqu'un musulman se convertit au christianisme, il perd tout lien avec sa communauté, sa famille etc... (dans le meilleur des cas, car il peut subir des représailles physiques de la part de ses proches)

Conclusion : Nous n'avons pas d'autre chose, nous chrétiens, à proposer aux musulmans que notre foi en Jésus-Christ. Les musulmans attendent cela avant toute promesse de richesse matérielle. L'Église doit faire de la place en son sein aux musulmans convertis, car cela aiderait à l'édification d'une civilisation de liberté.
Les chrétiens d'Orient ont été abandonnés par l'Église et cette dernière doit engager un dialogue avec l'Islam en vérité. L'Église a fait le maximum de concessions possibles vis à vis de l'Islam. (Par exemple, Jean-Paul II a embrassé le Coran!). Au delà de ces concessions, il y aurait apostasie de l'Église, soyons clairs à ce propos. Et certains religieux ont apostasié. Ils ne défendent plus leurs frères d'Orient enfermés dans la dhimmitude.

L'Eglise doit rappeler aux musulmans qui pratiquent leur religion à la lettre que la lettre tue.

Deux témoignages concrets au colloque : vivre avec l'Islam.

Remarques préliminaires :
-Ma prise de notes a été moins complète avec l'intervention de Xavier Lemoine (difficultés parce qu'il lisait son texte). J'espère là aussi ne pas trahir son propos.
Ce qui ressort de cette intervention, c'est la difficulté, l'équilibre à trouver entre une présence dans les banlieues trop forte et la volonté de les intégrer au mieux, intégration qui ne passe que par la conversion au christianisme pour être vraiment "efficace".
-La lettre de Charles de Foucauld est le document-phare de Xavier Lemoine. C'est lui qui le propose en lecture à tous les politiques. Lire donc cette lettre avant ce résumé.
-Le propos de Cyril Tisserand a commencé par la diffusion d'un petit film réalisé par TF1 sur l'Association du Rocher.
-En encadrés[], toujours, des remarques personnelles.
-Je renvoie à cette synthèse qui date de l'année dernière, mélange entre les propos d'un professeur chrétien engagé dans les cités et ceux d'un psychologue suédois (trouvés sur Bivouac id)  : cela peut permettre d'approfondir la réflexion.




Intervention de Xavier Lemoine, maire UMP de Montfermeil: 

Je ne peux me résigner à voir sombrer mon pays dans le désordre. Il revient aux politiques de prendre à bras le corps le problème de l'Islam (car il y a un problème avec l'Islam). Une trop forte concentration de présence musulmane dans certaines banlieues et sur le territoire français menace l'existence de la communauté d'accueil et il faut le dire clairement. La France est encore capable d'établir un rapport de force avec l'Islam en matière de lois et de droits : elle doit en faire usage tant qu'il est encore possible de le faire.

A l'issue des émeutes de 2005, nous les élus avons été convoqués pour des "débriefing" par les plus hautes instances de l'État. Pour ma part, j'y suis allé avec la lettre de Charles de Foucauld à René Bazin, qui résume, à mon sens, à merveille la position à tenir avec les musulmans. Cette lettre que j'ai transmise aux administrations concernées à toujours été favorablement lue.

La claire vision des enjeux de notre temps et des réponses à y apporter est la clé du comment vivre avec l'Islam. La connaissance permet la reconnaissance (c'est à dire reconnaitre l'Autre dans ce qu'il est et permettre une reconnaissance du coeur, une amitié).
Nous avons donc instaurer de nombreuses activités et créations d'associations entre les populations pour tisser les liens qui permettent cette connaissance de l'Autre et sur le long terme la reconnaissance.[ la crevette : ici, quelques exemples d'activités locales par Xavier Lemoine] Il faut être respectueux de tous nos citoyens, bien évidemment mais ces derniers doivent impérativement être respectueux des lois françaises. On est sans cesse dans un tiraillement : d'un côté, il y a une attirance très forte pour nos sociétés occidentales, ce qu'elles apportent de bon (matériellement mais pas seulement : la liberté est au coeur de cette attirance) et de l'autre côté il y a la force, le poid, l'emprisonnement de la communauté (et aujourd'hui ce poid est de plus en plus fort avec la montée des fondamentalistes).
Par exemple, à Montfermeil, je ne suis pas opposé à la construction ou l'ouverture de mosquées mais je fais fermer toutes les salles de prières clandestines.


Cyril Tisserand : en mission au cœur des cités. 

 Je suis installé au coeur des cités avec femme et enfants (4 enfants) depuis le début de mon mariage, cela correspondait à un choix délibéré de ma part. Au début nous étions à Bondy, aujourd'hui nous habitons Toulon. Nous organisons des missions, nous créons dans les cités des missions d'évangélisation.[la crevette : je reprends quelques phrases de l'interview de CT à La Croix : "Le Rocher est une association d’éducation où nous essayons d’être le plus professionnel possible. Simplement, nous ne nous interdisons pas de parler des questions religieuses : mais ce n’est jamais nous qui déclenchons le sujet. "]
Ces quartiers qui représentent le quart-monde de par leur pauvreté apparaissent, avec raison, certes, comme une catastrophe d'un point de vue politique. Mais nous, au Rocher, cherchons essentiellement à voir le positif de tous ces habitants. Tous les peuples du monde vivent en un seul quartier! A Bondy, avec nos 4 voisins (de pallier et au dessus ainsi qu'au dessous, nous avions 4 continents représentés!
Cela peut inquiéter, mais notre rôle de chrétien, primordiale, essentiel est l'évangélisation, faire connaître le Christ partout. Jean-Paul II a entamé le mouvement d'évangélisation avec le concept de "Civilisation de l'Amour". C'est cela que nous voulons entreprendre, cette civilisation de l'amour. Nous en sommes les pionniers.

Ces quartiers sont à majorité musulmane. Mais la majorité de ces musulmans ne pratiquent pas. Il existe deux catégories aujourd'hui :
-les anciens qui ont construit des salles de prière et des mosquées. Ce sont des hommes de paix, opposés à un islam radical. Ils ont un rôle important de maîtrise de l'islam dans les quartiers.
-les jeunes qui portent une blessure identitaire qui les conduit à un islam très dur, radical. Ils y a même des européens qui se convertissent à cet islam fondamentaliste. Ces conversions sont identitaires avant tout, pas spirituelles.[la crevette : je mets le terme de conversion entre guillemets : se référer à ce propos à l'intervention lumineuse d'Alain Besançon]


Comment évangéliser dans ces quartiers?
Nous nous appuyons personnellement sur une vie de foi et de prière importante. C'est sur cette base spirituelle qu'est fondée tout notre travail, nos actions, nos rencontres. Notre action est d'abord de remonter des hommes, des femmes et des jeunes dans leur vie professionnelle. L'aspect chrétien, missionnaire, évangélisateur, apparaît lors d'échanges de personne à personne et sur le fait que toutes nos associations sont basées dans les locaux de la paroisse catholique locale. Nous sommes reconnus, et c'est exprès, comme chrétiens. Les habitants des quartiers savent que nous sommes chrétiens, cela les surprend ("des chrétiens qui prient?") et ils sentent qu'il n'y a pas de stratégie cachée de notre part. Nous avançons à visage découvert et notre sincérité est gage de réussite dans le témoignage.

Conclusion : Je crois à ce défi de la présence musulmane en France. Il faut que l'Eglise et les chrétiens répondent à ce défi. Il faut réaliser que tout ce que nous faisons de positif pour amener la civilisation de l'Amour dans ces cités a des répercussions dans le monde entier, du simple fait de la mondialisation. [la crevette : voir à ce propos la conclusion de l'intervention du Père Samir]

Lettre de Charles de Foucauld à René Bazin

Cette lettre, adressée par le Père Charles de Foucauld à René Bazin, de l'Académie française, est parue dans le Bulletin du Bureau catholique de presse, n° 5, octobre 1917.
Elle a été publiée sur le site de la Fondation de service politique, à l’occasion de la béatification du Père de Foucauld par le pape Benoît XVI, le 13 novembre 2005, à Rome.
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JESUS CARITAS,
Tamanrasset, par Insalah, via Biskra, Algérie, 29 juillet 1916.
Monsieur,
Je vous remercie infiniment d'avoir bien voulu répondre à ma lettre, au milieu de tant de travaux, et si fraternellement. Je pourrais, m'écrivez-vous, vous dire utilement la vie du missionnaire parmi les populations musulmanes, mon sentiment sur ce qu'on peut attendre d'une politique qui ne cherche pas à convertir les musulmans par l'exemple et par l'éducation et qui par conséquent maintient le mahométisme, enfin des conversations avec des personnages du désert sur les affaires d'Europe et sur la guerre.
Vie du missionnaire parmi les populations musulmanes
(...) Les missionnaires isolés comme moi sont fort rares. Leur rôle est de préparer la voie, en sorte que les missions qui les remplaceront trouvent une population amie et confiante, des âmes quelque peu préparées au christianisme, et, si faire se peut, quelques chrétiens. (...) Il faut nous faire accepter des musulmans, devenir pour eux l'ami sûr, à qui on va quand on est dans le doute ou la peine, sur l'affection, la sagesse et la justice duquel on compte absolument. Ce n'est que quand on est arrivé là qu'on peut arriver à faire du bien à leurs âmes. Inspirer une confiance absolue en notre véracité, en la droiture de notre caractère, et en notre instruction supérieure, donner une idée de notre religion par notre bonté et nos vertus, être en relations affectueuses avec autant d'âmes qu'on le peut, musulmanes ou chrétiennes, indigènes ou françaises, c'est notre premier devoir : ce n'est qu'après l'avoir bien rempli, assez longtemps, qu'on peut faire du bien. Ma vie consiste donc à être le plus possible en relation avec ce qui m'entoure et à rendre tous les services que je peux. À mesure que l'intimité s'établit, je parle, toujours ou presque toujours en tête à tête, du bon Dieu, brièvement, donnant à chacun ce qu'il peut porter, fuite du péché, acte d'amour parfait, acte de contrition parfaite, les deux grands commandements de l'amour de Dieu et du prochain, examen de conscience, méditation des fins dernières, à la vue de la créature penser à Dieu, etc., donnant à chacun selon ses forces et avançant lentement, prudemment. Il y a fort peu de missionnaires isolés faisant cet office de défricheur ; je voudrais qu'il y en eût beaucoup : tout curé d'Algérie, de Tunisie ou du Maroc, tout aumônier militaire, tout pieux catholique laïc (à l'exemple de Priscille et d'Aquila), pourrait l'être. Le gouvernement interdit au clergé séculier de faire de la propagande anti-musulmane ; mais il s'agit de propagande ouverte et plus ou moins bruyante : les relations amicales avec beaucoup d'indigènes, tendant à amener lentement, doucement, silencieusement, les musulmans à se rapprocher des chrétiens devenus leurs amis, ne peuvent être interdites par personne. Tout curé de nos colonies, pourrait s'efforcer de former beaucoup de ses paroissiens et paroissiennes à être des Priscille et des Aquila. Il y a toute une propagande tendre et discrète à faire auprès des indigènes infidèles, propagande qui veut avant tout de la bonté, de l'amour et de la prudence, comme quand nous voulons ramener à Dieu un parent qui a perdu la foi...
Espérons qu'après la victoire nos colonies prendront un nouvel essor. Quelle belle mission pour nos cadets de France, d'aller coloniser dans les territoires africains de la mère patrie, non pour s'y enrichir, mais pour y faire aimer la France, y rendre les âmes françaises et surtout leur procurer le salut éternel, étant avant tout des Priscille et des Aquila !
Comment franciser les peuples de notre empire africain
Ma pensée est que si, petit à petit, doucement, les musulmans de notre empire colonial du nord de l'Afrique ne se convertissent pas, il se produira un mouvement nationaliste analogue à celui de la Turquie : une élite intellectuelle se formera dans les grandes villes, instruite à la française, sans avoir l'esprit ni le cœur français, élite qui aura perdu toute foi islamique, mais qui en gardera l'étiquette pour pouvoir par elle influencer les masses ; d'autre part, la masse des nomades et des campagnards restera ignorante, éloignée de nous, fermement mahométane, portée à la haine et au mépris des Français par sa religion, par ses marabouts, par les contacts qu'elle a avec les Français (représentants de l'autorité, colons, commerçants), contacts qui trop souvent ne sont pas propres à nous faire aimer d'elle. Le sentiment national ou barbaresque s'exaltera dans l'élite instruite : quand elle en trouvera l'occasion, par exemple lors de difficultés de la France au dedans ou au dehors, elle se servira de l'islam comme d'un levier pour soulever la masse ignorante, et cherchera à créer un empire africain musulman indépendant.
L'empire Nord-Ouest-Africain de la France, Algérie, Maroc, Tunisie, Afrique occidentale française, etc., a 30 millions d'habitants ; il en aura, grâce à la paix, le double dans cinquante ans. Il sera alors en plein progrès matériel, riche, sillonné de chemins de fer, peuplé d'habitants rompus au maniement de nos armes, dont l'élite aura reçu l'instruction dans nos écoles. Si nous n'avons pas su faire des Français de ces peuples, ils nous chasseront. Le seul moyen qu'ils deviennent Français est qu'ils deviennent chrétiens.
Il ne s'agit pas de les convertir en un jour ni par force, mais tendrement, discrètement, par persuasion, bon exemple, bonne éducation, instruction, grâce à une prise de contact étroite et affectueuse, œuvre surtout de laïcs français qui peuvent être bien plus nombreux que les prêtres et prendre un contact plus intime.
Des musulmans peuvent-ils être vraiment français ? Exceptionnellement, oui. D'une manière générale, non. Plusieurs dogmes fondamentaux musulmans s'y opposent ; avec certains il y a des accommodements ; avec l'un, celui du Medhi, il n'y en a pas : tout musulman (je ne parle pas des libres-penseurs qui ont perdu la foi) croit qu'à l'approche du jugement dernier le Medhi surviendra, déclarera la guerre sainte, et établira l'islam par toute la terre, après avoir exterminé ou subjugué tous les non-musulmans. Dans cette foi, le musulman regarde l'islam comme sa vraie patrie et les peuples non musulmans comme destinés à être tôt ou tard subjugués par lui musulman ou ses descendants ; s'il est soumis à une nation non musulmane, c'est une épreuve passagère ; sa foi l'assure qu'il en sortira et triomphera à son tour de ceux auxquels il est maintenant assujetti ; la sagesse l'engage à subir avec calme son épreuve ; "l'oiseau pris au piège qui se débat perd ses plumes et se casse les ailes ; s'il se tient tranquille, il se trouve intact le jour de la libération", disent-ils ; ils peuvent préférer telle nation à une autre, aimer mieux être soumis aux Français qu'aux Allemands, parce qu'ils savent les premiers plus doux ; ils peuvent être attachés à tel ou tel Français, comme on est attaché à un ami étranger ; ils peuvent se battre avec un grand courage pour la France, par sentiment d'honneur, caractère guerrier, esprit de corps, fidélité à la parole, comme les militaires de fortune des XVIe et XVIIe siècles, mais, d'une façon générale, sauf exception, tant qu'ils seront musulmans, ils ne seront pas Français, ils attendront plus ou moins patiemment le jour du Medhi, en lequel ils soumettront la France.
De là vient que nos Algériens musulmans sont si peu empressés à demander la nationalité française : comment demander à faire partie d'un peuple étranger qu'on sait devoir être infailliblement vaincu et subjugué par le peuple auquel on appartient soi-même ? Ce changement de nationalité implique vraiment une sorte d'apostasie, un renoncement à la foi du Medhi...
Les Kabyles
Comme vous, je désire ardemment que la France reste aux Français, et que notre race reste pure. Pourtant je me réjouis de voir beaucoup de Kabyles travailler en France ; cela semble peu dangereux pour notre race, car la presque totalité des Kabyles, amoureux de leur pays, ne veulent que faire un pécule et regagner leurs montagnes.
Si le contact de bons chrétiens établis en Kabylie est propre à convertir et à franciser les Kabyles, combien plus la vie prolongée au milieu des chrétiens de France est-elle capable de produire cet effet !
(...) Si la race berbère nous a donné sainte Monique et en partie saint Augustin, voilà qui est bien rassurant. N'empêche que les Kabyles ne sont pas aujourd'hui ce qu'étaient leurs ancêtres du IVe siècle : leurs hommes ne sont pas ce que nous voulons pour nos filles ; leurs filles ne sont pas capables de faire les bonnes mères de famille que nous voulons.
Pour que les Kabyles deviennent français, il faudra pourtant que des mariages deviennent possibles entre eux et nous : le christianisme seul, en donnant même éducation, mêmes principes, en cherchant à inspirer mêmes sentiments, arrivera, avec le temps, à combler en partie l'abîme qui existe maintenant.
En me recommandant fraternellement à vos prières, ainsi que nos Touaregs, et en vous remerciant encore de votre lettre, je vous prie d'agréer l'expression de mon religieux et respectueux dévouement.
Votre humble serviteur dans le Cœur de Jésus.

Charles de Foucauld

mardi 16 février 2010

Samir Khalil Samir, Annoncer le Christ aux musulmans en Europe aujourd'hui


Remarques préliminaires : cette intervention du Père Samir a été émaillée d'anecdotes difficiles à retranscrire. Je ne donne que les conclusions sans les prémisses et c'est dommage car tout est contenu dans ces prémisses, ces exemples, ce vécu.
Je retranscris ici une présentation du Père Samir trouvé au dos d'un de ses ouvrages :
"Islam en Occident - Les enjeux de la cohabitation" (Entretiens avec Line Pillet, aux éditions Saint Augustin, 2009)
"Docteur en théologie orientale et en islamologie, Samir Khalil Samir, copte et jésuite, vit à Beyrouth où il enseigne à l'Université Saint Joseph. Fondateur et directeur du CEDRAC (Centre de documentation et de recherches arabes chrétiennes), il est aussi professeur à l'Institut Pontifical Oriental de Rome et préside l'International Association for Christian Arabic Studies. Auteur d'une cinquantaine d'ouvrages et de plus de mille deux cents articles, il est connu mondialement comme spécialiste de l'Orient chrétien et des relations entre l'islam et l'Occident."
Je met en encadrés []les remarques ou références de mon fait.


 Intervention du Père Samir :
Il faut se référer à l'intervention de Monseigneur Aillet qui a dit l'essentiel au sujet de l'Annonce, de l'évangélisation. Avec moult références (textes évangéliques et pontificaux) à l'appui que je n'ai pas devant moi.
Je vais quant à moi partir d'expériences concrètes de ces dix dernières années, en gros, pour situer mon sujet.
Il y a quelques années, je donnais une série de conférences à des religieuses au Maroc, lors d'une retraite de huit jours. Un jour, la Supérieure me fait appeler car un homme me demandait au parloir. Je le rencontre, il s'agissait d'un professeur de lycée, de langue arabe. Cet homme m'explique que cela fait de nombreuses années qu'il est attiré par le christianisme. Au bout d'un quart d'heure de conversation, je lui dis : "vous connaissez très bien la religion chrétienne et les évangiles! Pourquoi ne demandez-vous pas le Baptême?" Il me répond : "cela fait quatorze ans que je demande le Baptême!"
Stupéfait, je raconte cette histoire à l'évêque du cru le soir même, je partageais un repas avec lui et d'autres prêtres. Tous de s'écrier de ne pas abonder dans le sens du Baptême pour cet homme, pour son bien, car il serait évidement mis au ban de la société, persécuté etc... et les persécutions s'étendrait à l'église locale accusée de prosélytisme.[ la crevette : ne pas oublier l'importance communautaire, la puissance de l'Oumma dans l'Islam : l'individu n'existe qu'au travers de sa communauté musulmane]
L'Église elle-même se refusait donc à l'évangélisation pour éviter les problèmes de conversion!

Il y a un problème dans l'Église aujourd'hui sur le plan de la théologie : la théologie classique, dirons-nous commande l'évangélisation, elle la place au cœur de la logique du Salut. Cette évidence qu'a rappelé avec force Monseigneur Aillet fait sourire actuellement, elle est complètement ignorée.

Rapport entre foi et société :
Évangéliser c'est d'abord susciter une question chez l'autre, le placer devant un paradoxe pour l'amener au dialogue. Il faut mettre en exergue la cohérence interne d'un raisonnement, il faut un discours en vérité qui n'enlève rien à l'affection ni au respect dus à la personne avec qui on engage le dialogue.

Pourquoi cette nécessité d'évangélisation? Évangile signifie "Bonne Nouvelle". Lorsqu'on aime quelqu'un, en vérité, on veut le meilleur pour lui. Si je possède quelque chose qui a transformé mon cœur et ma vie, je me dois de transmettre ce "secret", à ceux que j'aime, à mes frères! De même, j'écouterais volontiers les musulmans me donner quelques clés spirituelles (si elles existent) pouvant me faire progresser dans ma foi.L'échange d'expériences spirituelles permet de redécouvrir l'esprit de l'évangile. Se connaître passe par des choses fort concrètes (partager des recettes de cuisine et des recettes pour mieux prier, etc...). Evangéliser passe de l'échange de choses les plus anodines jusqu'à éventuellement un échange théologique.

L'Évangile est ce qui libère l'être humain plus que n'importe quel mouvement de libération spirituel, c'est ma conviction profonde. Évangéliser est donc le sommet de l'acte d'amour envers l'Autre car c'est lui transmettre le "top" en matière de bonheur.
La manière dont l'Esprit nous guide dans ce partage et les conséquences provoquées par ce partage, grâce à l'Esprit Saint, ne dépendent pas de nous.



Une question suite à cette intervention : 
A partir du 8ème siècle environ, on constate une forte expansion de l'Islam en milieu chrétien-oriental. Pourquoi cette expansion, cette facilité à renverser le christianisme?
Réponse d'Annie Laurent : 
En Europe, l'Islam progresse d'autant plus facilement que les sociétés sont affaiblies du point de vue de leur foi chrétienne et de leurs mœurs. En matière religieuse, les divisions entre chrétiens, la désacralisation, la sécularisation, la décadence morale, tout cela rappelle effectivement la situation du 7ème-8ème siècle en Orient et la progression de l'Islam.
Il faut comprendre que ça n'est pas l'Epée qui est le plus efficace pour l'Islam, c'est la Dhimmitude qui demeure une arme redoutable. Il suffit d'observer ce qui s'est passé et se passe dans les Balkans, de ce point de vue. L'humiliation appliquée comme un rouleau compresseur. Une Église affaiblie, qui n'est plus sûre d'elle-même, cette Église cède aux "séductions" de l'Islam.
L'Islam est fort de nos faiblesses. Il faut recréer un tissu chrétien solide et rendre nos sociétés occidentales attrayantes.
Réponse de Monseigneur Sleiman, archevêque de Bagdad : 
Il y a une immense fatigue des populations, de ces vieilles églises chrétiennes orientales qui ont lutté et luttent essentiellement pour leur survie au quotidien, il faut avoir conscience de cela. Le renversement se fait au bout de la résistance.
Réponse du Père Samir : 
le système musulman est une puissance d'assimilation de l'autre absolument extraordinaire. Un certain nombre d'éléments sociologiques et financiers contribuent aujourd'hui à l'expansion de l'Islam. L'Islam est conçu comme un système global : religieux, militaire, social,économique. Le christianisme est un "système" essentiellement spirituel.

Plus profondément , je pense que cette "invasion" de l'Islam est un défi pour leur conversion. En effet, nous constatons dans l'histoire des missions, que tous les missionnaires qui ont traversé les mers pour évangéliser les musulmans ont souligné la quasi-impossibilité de convertir ces derniers, enfermés dans une forteresse, un système très fort. Aujourd'hui, les musulmans se retrouvent sur notre propre terrain, notre sol : il s'agit de profiter de cet avantage, de cet espace de liberté pour les convertir.

lundi 15 février 2010

Intervention d'Alain Besançon

Remarque préliminaire :
Je vous invite à relire d'abord cette petite synthèse qui éclaire bien le propos assez ramassé d'Alain Besançon.

Le Concile Vatican II ne comporte que deux paragraphes sur l'Islam. Le premier définit le statut des non-chrétiens par rapport aux chrétiens. Il y a un ordre hiérarchisé parmi les non-chrétiens : viennent en premier lieu les juifs, puis les musulmans et enfin les autres religions ou païens. L'Église a jugé bon de distinguer les musulmans des autres religions. Ils se situent à un échelon supérieur. Nous réfléchirons à la cohérence ou à l'incohérence de cette distinction. 

L'Islam adorerait le même Dieu unique que celui des chrétiens. S'il est incontestable que les musulmans adorent le Dieu d'Israël, nous savons que la nature de ce Dieu est radicalement différente chez les chrétiens et pour l'Islam. [cf. l'intervention de Rémi Brague et la petite synthèse citée ci-dessus]
La notion d'Alliance permet en outre de distinguer les deux religions. L'alliance a consisté en une progression dans l'histoire des juifs et puis des chrétiens. Cette notion d'alliance présuppose une relation bilatérale entre Dieu et l'homme, une relation privilégiée. Cette notion d'alliance n'existe pas dans l'Islam et, pire, elle est considérée comme sacrilège car sa nature même repose sur un mot : le nom de Père. Il y a une relation filiale et paternelle entre l'homme et Dieu et Dieu envers l'homme chez les juifs et les chrétiens.
Pour l'Islam, l'annonce du Coran a été un fait brut, intemporel. Il n'y a pas eu de progression, de cheminement dans cette révélation. Allah ne requiert pas in fine l'amour de sa créature et Allah ne dispense pas son amour. Allah ne requiert que l'adoration.
L'Islam ne s'attache pas à la connaissance de Dieu, on ne peut le connaître mais simplement l'adorer. C'est cette adoration qui place, aux yeux des chrétiens, les musulmans à une place particulière par rapport aux autres paganismes.

Cette adoration des musulmans est très puissante, car elle est unique, elle est au fondement de leur rapport avec leur Dieu. Cette force d'adoration provoque très souvent l'admiration des chrétiens. Mais les chrétiens  portent l'adoration, la religion musulmane sur le compte d'une foi, ce qui est une erreur.  En effet, pour les chrétiens, Dieu n'est pas une évidence mais une certitude (obscure). Pour l'Islam, Dieu est une évidence, un raisonnement pour croire en lui et l'adorer n'est pas nécessaire. Pas besoin d'aller chercher des éclaircissements sur Dieu : il est, point-barre. Ne pas admettre l'existence de Dieu c'est renier à ce que nous sommes profondément, à notre être. Le chrétien, pour un musulman, ne sera pas tout à fait un homme car il n'est pas un croyant.
A l'inverse, un chrétien ne peut qualifier normalement l'Islam comme une foi car l'Islam est un savoir. Et un savoir n'est pas une foi.

Aux yeux des chrétiens, cette croyance et obéissance, cette adoration de l'Islam envers son Dieu est confondue avec la vertu théologale de foi alors qu'en fait il ne s'agit que d'une vertu naturelle, ou morale, celle de religion. En ce sens, l'Islam se rapproche beaucoup plus des paganismes religieux que du christianisme.

Cette vertu naturelle portée à l'excès donne ce légalisme pointilleux qui caractérise les musulmans ou une spiritualité effrénée que les chrétiens admirent bêtement. L'équilibre dans l'Islam n'existe guère.
Cet excès de la vertu naturelle de religion favorise une désévaluation de la notion de nature. En effet, pour l'Islam, Dieu crée à chaque instant. Chaque homme qui né, et bien né comme est né Adam, le premier homme et non par le fait de causalités naturelles. Il n'y a pas de loi de causalité dans l'Islam : chaque événement est le fruit d'une création divine. Exemple, l'ombre est une création divine et non pas le reflet du soleil sur le sol!
Tout est donc surnaturel donc rien n'est surnaturel.
Tout est miracle donc rien n'est miraculeux.
La nature est totalement privée de consistance.

Cette confusion par les chrétiens entre la vertu naturelle de religion exagérée qui imprègne l'Islam et la vertu théologale de foi empêche ces derniers (les chrétiens, l'Église) de ranger logiquement l'Islam dans la catégorie des paganismes.

Cette confusion ecclésiale avant tout est due à une ignorance, un affaiblissement intellectuel de l'Eglise. Il ne s'agit pas de s'opposer agressivement à l'Islam ou de l'encenser naïvement mais de bien comprendre sa nature et pour bien comprendre sa nature, il nous faut déjà bien comprendre ce qu'est notre religion.

dimanche 14 février 2010

"L'Islam en France, un défi pour la mission", intervention de Monseigneur Aillet

Remarques préliminaires :
Je garde le "je" de Monseigneur Aillet pour plus de facilité en espérant ne pas écrire des trucs qu'il n'aurait pas dit!! Ce sont des notes personnelles, je le redis, des erreurs d'interprétation sont possibles.
Je mettrai en encadrés [] des précisions de mon fait.

Intervention de Monseigneur Aillet :

Dans mon évêché, il n'y a pas une présence "musulmane" importante. Deux anecdotes pour commencer cet entretien :
A Mourenx où j'ai été invité [visite pastorale], j'ai rencontré les élus locaux, les responsables d'associations, le prêtre de la paroisse et l'imam. Ce dernier après m'avoir salué, a du partir et il s'est excusé en ces termes : "je dois partir, c'est l'heure de la prière".
Lorsque je parcours mon évêché, je tiens à rencontrer les élus qui sont les personnes les plus proches aujourd'hui des gens, de leurs administrés. Il y a plus d'élus que de prêtres par paroisse! Ces élus s'inquiètent sans ambiguïté de la déchristianisation de leurs villes ou villages. Il y a une corrélation très nette entre le recul des chrétiens et la progression de l'Islam en France. L'irréligion gagne du terrain et les chrétiens, qui abandonnent leur religion, ont une part de responsabilité dans ce fait. Les racines chrétiennes définissaient notre identité nationale et les élus en prennent conscience maintenant que tout ceci disparait. En France il y a une apostasie tranquille, ceci par rapport à une apostasie dont la caractéristique est d'être normalement violente (on apostasie sa foi sous peine de persécutions ou de peine de mort, et ça n'est pas le cas en France).

Dans ce climat de sécularisation, le dialogue islamo-chrétien (plutôt : islamo-catholique) n'est pas sans ambiguïté ni naïveté ni ignorance crasse de la part des catholiques concernés, aussi bien sur l'Islam que sur notre propre religion, le catholicisme. Ceci à cause d'un manque de formation intellectuel ou catéchétique impressionnant. (Je renvoie à l'intervention de Rémi Brague et sa distinction fondamentale entre le Dieu biblique et le Dieu coranique)
D'autre part, peut-on raisonnablement poursuivre ce dialogue en passant sous silence les persécutions des chrétiens d'Orient? De nombreuses fois l'Église a passé sous silence des faits historiques graves. [la crevette : je renvoie les lecteurs à cet excellent article du Père Daniel-Ange]

Il faut une exigence de réciprocité pour entreprendre ce dialogue : "Le dialogue ne peut être fondé sur l'indifférentisme religieux" (Benoit XVI dans  : "Au début du nouveau millénaire").
L'Islam progresse d'autant plus en France que la figure du Christ s'efface. Il obtient une reconnaissance de sa doctrine de la part même de chrétiens!
L'Islam est un défi pour les catholiques, les chrétiens à retrouver leurs fondamentaux. Ces derniers sont poussés à s'exprimer  sur ce qu'ils croient et à pratiquer leur foi sans complexes. (Je rappelle l'attitude édifiante de l'Imam : "excusez-moi, je dois vous laisser, c'est l'heure de la prière")

La Bonne Nouvelle ne suffit pas, l'écoute, le discours théologique ne suffisent pas, il faut aller jusqu'au témoignage, dans nos vies quotidiennes, dans nos actes, nos attitudes de notre foi.
Paul VI : "Evangéliser est la Grâce et la Vocation propre de l'Église.... son Identité la plus profonde." [la crevette : les majuscules sont de mon fait]
En bref : on parle trop de l'Église (sa structure) et pas assez de Jésus-Christ.
L'Eglise catholique en France est un objet de stupeur et de mépris pour les musulmans. Et la Raison occidentale qui exclue totalement Dieu choque terriblement les musulmans.
Benoit XVI dans sa Lettre aux évêques du 10 mars 2009 déclare sans ambages : "Le vrai problème est que Dieu disparaît aux yeux des hommes."

Les catholiques sont appelés à se convertir, voilà ce à quoi nous pousse la montée de l'Islam. Etre Chrétien ça n'est pas être uniquement consommateur des sacrements mais vivre en cohérence avec sa foi et ses convictions, dans le monde, dans la société. Le chrétien doit imprégner des valeurs de l'Evangile ses lieux de vie. ce témoignage doit aboutir au témoignage de Jésus-Christ.

Il faut retrouver notre identité catholique qui comprend deux composantes essentielles :
Le kérygme et la didachè.
L'urgence est au kérygme aujourd'hui, au témoignage de l'action personnelle du Christ dans notre vie. Il faut initier sans plus tarder une vaste stratégie missionnaire. Jean Paul II a évoqué tout ceci par le terme de : Nouvelle Évangélisation. Nous sommes invités à accueillir dans nos programmes pastoraux toutes ces initiatives, ces mouvements religieux nouveaux qui peuvent parfois nous surprendre par une originalité à laquelle nous ne sommes pas habitués mais qui sont inspirés de l'Esprit-Saint. Saint Paul explique : "Annoncer l'Évangile n'est pas un titre de gloire mais une nécessité qui m'incombe... Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Évangile."
Un dynamisme missionnaire est signe d'une bonne santé ecclésiale et actuellement l'Église est moribonde en terme de croyants et de pratiquants.

L'Islam en France apparaît comme une chance, un défi pour la mission. Au risque, si nous le relevons pas, d'une regression sans précédent de notre civilisation au contact de ce même Islam.

Avant même d'évangéliser les musulmans il faut évangéliser les chrétiens.
Nous avons le Pape qu'il faut pour relever ce défi, manquent les saints.

Monseigneur Aillet

 Colloque : Vivre avec l'Islam?


Question : "Certains membres éminents de l'Église  se sont exprimés contre une loi anti-burka et contre les suisses opposés aux minarets dans leur pays. Qu'en pensez-vous?"


Réponse de Monseigneur Aillet: "De même que l'Islam ne se confond pas avec tous les musulmans, de même L'Eglise Catholique ne se confond pas avec quelques déclarations, même si elles proviennent de personnes autorisées."

vendredi 12 février 2010

Colloque "Vivre avec l'Islam", Notes du premier jour.

Colloque "Vivre avec l'islam" au Collège des Bernardins. Intervention de Rémi Brague, Annie Laurent et Monseigneur Sleiman archevêque de Bagdad. Table ronde avec Rémi Brague, Annie Laurent et le Père Samir.

Synthèse à partir de notes manuscrites. Notes avec possibilités d'erreurs d'interprétation.

Introduction avec Marc Fromager, directeur de l'AED :
L'AED, (L'Aide à l'Église en Détresse) a pour finalité comme son nom l'indique d'aider l'Église partout dans le monde en proposant des moyens matériels et en luttant contre les persécutions contre les chrétiens. Aujourd'hui, un des problèmes majeurs rencontré par l'AED concerne les discriminations des chrétiens dans les pays à majorité musulmane. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons voulu nous réunir pour réfléchir sur cette question qui concerne non seulement les pays d'Orient mais de plus en plus les pays d'Occident : Vivre avec l'Islam? Comment?
Une première réaction est d'éviter de parler de ces sujets qui fâchent pour protéger les chrétiens d'Orient persécutés.
Une deuxième réaction est de penser que l'Islam évolue et que ce passage critique (retour du fondamentalisme partout) va disparaître.
Une troisième réaction est de se durcir face à un Islam par nature conquérant.

Deux attitudes aujourd'hui, en gros :
-penser que la 4ème Guerre Mondiale est déjà engagée.
-penser comme Xavier Raufer (criminologue) que le terrorisme islamique s'essouffle déjà mais que la démographie sera le nouvel enjeu (danger).


Nous devons réfléchir à toutes les nouvelles donnes que l'Islam apporte et au rôle de l'Eglise face à cet Islam. Un réveil missionnaire semble plus que jamais nécessaire.



I/ Rémi Brague : Dieu des chrétiens, Dieu des musulmans

Rémi Brague a commencé en expliquant que le mode opératoire qui consiste à définir ce qui est commun et ce qui distingue les deux religions chrétienne et musulmane, ce mode opératoire est envisageable et souvent employé mais fondamentalement il ne convient pas car il ne va pas au fond du "problème".
A la base, il y a une erreur d'aiguillage qui se situe en amont des deux religions. Il faut remonter à l'étude du Dieu biblique et du Dieu coranique pour poser des "credos planchés", l'essence même de ces religions, et ensuite, en décortiquant la logique interne de chacune d'entre elle il faut aboutir aux conséquences qui en résultent, conséquences que chaque croyant se doit de reconnaître et d'admettre.

Trois notions fondamentales permettent de mieux éclairer la nature des deux religions et surtout permettent de comprendre l'idée de Dieu pour chacune d'entre elle.
La création : le récit de la création diffère dans la Bible et dans le Coran. Chez les chrétiens le récit biblique permet d'introduire la notion de liberté humaine, ce qui n'est pas le cas dans le récit coranique. En effet, dans la Bible il est question du repos de Dieu le 7ème jour de la création. Ceci pour signifier que Dieu se retire pour laisser sa créature en paix, gérer toute seule en quelque sorte cette création. Dans le récit coranique Dieu ne lâche pas les baskets, si l'on peut dire, de sa créature. L'espace dans le temps qui est donné par Dieu dans le récit biblique ouvre à la créature un espace de liberté qui n'existe pas dans le récit et l'interprétation coranique.
L'alliance : chez les musulmans il y a une distance infranchissable entre la créature et son Dieu, alors que pour le chrétien, la liberté humaine permet de baser une alliance entre la créature et son Dieu, une alliance librement consentie (ou pas) entre un Dieu qui la propose et une créature qui l'accepte (ou pas).
La nature de cette alliance : chez les musulmans l'alliance, si l'on doit employer ce terme pour eux, n'est que contractuelle : si l'homme obéit aux lois coraniques, il pourra prétendre au Paradis. Mais Dieu demeure étranger à sa créature, quoi qu'il fasse, le bien ou le mal. Pour le chrétien, l'alliance entre Dieu et l'homme est celle d'un Père avec son fils. Le fils est adopté par le Père. Le Père s'abaisse vers créature pour que celle-ci puisse s'élever" jusqu'à être fils de Dieu. Le but pour Dieu n'est pas de récompenser les bons et punir les méchants mais d'établir un plan pour que les "méchants" puissent devenir librement des justes.Pour un musulman un Dieu père est un blasphème.
Conclusion : il faut aujourd'hui avoir le courage de saisir la cohérence interne de chaque religion et leurs conséquences.

II/ Annie Laurent : L'Islam et la personne humaine

Annie Laurent reprend les termes de Rémi Brague en insistant sur la non-familiarité entre la créature et et son Dieu chez les musulmans. Le Dieu des musulmans est un Dieu transcendant et non immanent. Aimer Dieu ne signifie rien pour ces derniers, ils ne peuvent que l'adorer.
Conséquences : la récompense dans l'éternité est de facture matérielle pour l'islam alors qu'il s'agit d'offrir une vision béatifique pour le chrétien. La distance entre l'homme et Dieu subsiste au paradis pour les musulmans : chacun demeure dans sa sphère. 2ème conséquence : la notion de péché. Pour l'islam, le péché ne blesse pas directement Dieu. La notion de péché n'est pas essentielle, ce qui prime c'est ce qui est licite ou illicite, la concordance à la loi coranique. Enfin, troisième conséquence importante : la notion de personne n'existe pas pour les musulmans : l'individu ne se réalise qu'au travers du Coran. Il n'y a pas de responsabilité individuelle, l'homme se doit simplement d'observer des règles jusque dans les moindres détails de la vie quotidienne, même si certaines d'entre elles contredisent parfois un élémentaire bon sens.
Ainsi, au niveau des Droits de l'homme. Les pays musulmans reconnaissent (sauf deux : l'Arabie Saoudite et le Yémen) les Droits de l'homme de 1948. Mais ils ont développé au fil du temps des droits de l'homme adaptés à la Charia et qui contredisent dans les faits les Droits de l'homme de 1948. Exemples : le statut inégalitaire des musulmans par rapport aux non musulmans (inférieurs), des hommes et des femmes (inférieures), le problème des châtiments corporels et de la peine de mort.
Les musulmans avec ces droits islamiques créent en Europe des poches d'Oumma, souvent avec l'appui des pouvoirs publics européens! Mais il faut cependant constater que la création de ces poches est accélérée par l'image déplorable (relativiste, athée, immorale) du modèle civilisationnel européen.
Conclusion : la notion de personne n'a pas été inculquée par l'Occident chrétien au monde musulman et cet Occident chrétien a raté ainsi un coche essentiel.


III/ Monseigneur Sleiman : la dhimmitude ou l'altérité amputée

A/ La dhimmitude a été d'abord une donnée intellectuelle pour moi-même avant d'être pleinement vécue en Irak et de plus en plus vécue par bon nombre d'occidentaux, il faut en avoir conscience.
Au départ, la dhimmitude est la conséquence de la conquête des territoires par les tribus bédouines. Le prix pour garder la vie sauve, chez les vaincus, est un impôt. Cet impôt humilie totalement le vaincu qui n'a pas su protéger les siens et doit se placer sous la protection d'un autre plus puissant que lui. A la base de la dhimmitude et quelque soient ses variations dans l'histoire on trouve toujours deux notions essentielles : la soumission et la discrimination.
Dans la nature même de la mentalité arabe on trouve l'idée de la guerre, de la razzia, de la conquête : l'Autre n'est jamais vu comme un égal ou un partenaire mais comme un objet de conquête ou un ennemi potentiel dont il faut se protéger. Protéger ses femmes est honorable, conquérir les femmes de l'Autre l'est également. Il n'y aucune culpabilité à avoir dans l'idée de pillage, par conséquent. La survie de la tribu dépend de ses conquêtes. La religion islamique n'a fait que sacraliser en quelque sorte cette mentalité bédouine, avec le notion de guerre sainte, le djiad. La notion de conquête économique est donc à prendre très au sérieux évidemment.
Les deux positions extrêmes qui consistent à soit positiver, exalter la dhimmitude ou à la rendre négative complètement, ces deux attitudes entières sont nocives. Il faut trouver un entre-deux.
B/ Des dhimmis à la dhimmitude.
L'histoire des dhimmis est à placer dans un contexte d'humiliations, de dépossessions, d'amputations de terres, de droits non respectés ou plus ou moins appliqués par le chef de guerre. Ainsi il faut comprendre que la dimension psychologique de la dhimmitude est immense : la dhimmitude est faite d'un mélange de haine de soi et de syndrome de Stokholm. Cela est visible par les divisions entre les églises chrétiennes qui s'accusent mutuellement de faire peu ou prou le jeu de l'ennemi (ou de ne pas être assez proche ou amie avec cet "ennemi" "protecteur"). Les conséquences sur la vérité sont tragiques : des évêques ou prêtres pourront tenir deux discours complètement opposés selon le contexte dans lequel ils parleront. Il y a un manque de courage de dire à celui qui frappe : "tu me fais mal!"
Résoudre le problème de la dhimmitude, c'est résoudre le problème de la société musulmane, c'est assainir son rapport avec l'Autre.
C/ Pourquoi, malgré une évolution des droits, parle t-on encore de dhimmitude aujourd'hui et même de plus en plus?
En fait les populations musulmanes continuent d'être basées sur un modèle tribal (avec, donc, l'esprit de guerre entre tribus). Le fondamentalisme ethnico-religieux revient en force actuellement partout car la frustration de ces peuples est de plus en plus violente face aux pays occidentaux. L'Autre est à conquérir, plus que jamais.
D/ Que faire? Il faudrait une refonte complète des mentalités et désacraliser ces mentalités tribales. La survie qui a été possible par la dhimmitude s'est effectuée au prix d'une aliénation  de plus en plus mortelle, au sens propre comme au sens figuré.

IV/ Table ronde : Islam et Modernité
Annie Laurent : certains s'imaginent que l'islam pourrait faire une sorte de Vatican II. C'est méconnaître la fonction d'un concile et c'est méconnaître l'islam. Il y a eu dans les années vingt, trente, quarante une intelligentsia chrétienne et musulmanne qui a opéré des vrais mouvements pour réduire ou supprimer la dhimmitude. Cette intelligentsia a fondé les grands partis nationalistes en Orient. Ces partis n'étaient pas laïcs mais laïcisants, la nuance est importante. Donc de vraies tentatives de modernisation de l'islam début XXè siècle. Avec par exemple une émancipation féministe au Caire dans les années trente soutenue par des hommes musulmans. Aujourd'hui on constate, comme le soulignait le Père Sleiman, un retour à une doctrine antérieure à ces mouvements d'émancipation.
C'est l'Islam qui islamise la Modernité et non plus l'inverse (la Modernité qui émancipait l'Islam) Ceci est un retour en arrière dû en partie au fait de la création de l'État d'Israël qui a durci toutes les positions musulmanes : une partie d'un territoire a été conquis par des non croyants! Ceci est in-envisageable dans l'esprit de conquête qui sous tend la culture musulmane.
Un problème de fond enfin se heurte à l'esprit de modernité occidental : le Coran est un livre qui provient de Dieu, à la virgule près : son interprétation n'est pas envisageable de ce simple fait. Il n'y a d'ailleurs pas d'exégètes chez les musulmans.

Rémi Brague : la question de la Modernité n'a pas été encore "résolue" en Occident, loin s'en faut, d'où notre difficulté à l'appliquer ou à la "proposer" à l'Islam. Ainsi la définition de l'homme, de son être et son devoir-être, la définition d'un projet Moderne en vue d'aider l'Islam à une émancipation cette définition rebondit par ricochet à notre propre réflexion occidentale : on ne peut imposer à l'Islam une modernité non critiquée.

Père Samir :  la question de la Modernité est essentielle. Entre le 9ème et le 13ème siècle la civilisation orientale est à la pointe de la modernité dans le monde dans trois domaines : les sciences, la médecine, les mathématiques. La médecine et les sciences ont continué un certain essor jusqu'au 14ème siècle environ. La philosophie a été bloquée. Une réaction islamisante, dans le sens : retour aux fondements de l'Islam va s'opposer à la philosophie qui avait commencé un travail d'interprétation des textes sacrés, du Coran. L'interprétation littérale revient en force. La révélation l'emporte sur la raison. Ce mouvement, cette réaction va s'accentuer entre le 14ème siècle et le 18ème : c'est "l'âge de la décadence". Un renouveau de l'islam au 19ème siècle avec les conquêtes bonapartistes et les échanges qui en résultent. Une renaissance culturelle en Egypte (apportée par les chrétiens du Liban émigrés en Egypte), en Syrie : on "pense " le Coran de façon plus ouverte qu'aujourd'hui à cette époque.
Mais la Première Guerre Mondiale éclate et c'est ensuite la chute de l'Empire Ottoman, la chute des Califats, la fin du monde islamique en quelque sorte. Ce dernier s'est trouvé sans rien, sans chefs, sans leaders, sans penseurs. En 1928, naissance des Frères Musulmans qui ont pour but de ré-islamiser les musulmans. Le "boum" pétrolier en 1973-1974 va donner des fonds à cette confrérie. Cette dernière domine partout aujourd'hui, même en Indonésie modèle pourtant, naguère, de tolérance!
La bataille n'est pas d'ordre militaire, elle essentiellement idéologique  : tous les systèmes occidentaux sont tombés : le libéralisme, le communisme, etc... Les occidentaux sont devenus païens. Pour les musulmans il n'y a donc logiquement qu'un réalité qui peut maintenant "sauver" le monde : c'est la réalité islamique. D'où la nécessité de ré-islamiser les musulmans d'abord, en retournant au texte, au Coran.
Pour un musulman, la Modernité s'inscrit simplement dans un rapport avec la Technologie (qu'il adopte volontiers!) mais pas avec l'idéologie ou la pensée occidentale qui lui fait horreur.
Il faut donc impérativement repenser (ou penser) la Modernité Occidentale et la proposer ensuite aux musulmans. Une Modernité Spirituelle qui manque cruellement.

V/ Débat :
L'émancipation islamique est-elle vraiment possible? Le père Samir a tenté de montrer qu'il y a eu des périodes de modernisation de l'Islam. Annie Laurent pense, avec Rémi Brague, que l'interprétation du Coran, texte intouchable à la virgule près, n'est pas possible.
Le père Samir explique que cette invasion européenne, il faut l'accepter puisqu'elle est DÉJÀ là dans les faits. Rien ne sert de s'y opposer. Il faut trouver les moyens de re-cultiver les sociétés musulmanes qui ont acquis d'énormes retards avec ces reculs observés. Mais pour cela il faut que l'Occident se ré- approprie des moyens intellectuels et spirituels. Le sort des chrétiens d'Orient (et des chrétiens tout court) est indéfectiblement lié à l'évolution positive ou négative des civilisations orientales.

Rémi Brague  : l'Occident qui a été chrétien doit faire meilleure figure moralement vis à vis de l'Orient. Une fable zoologique éclaire ce constat :
Une méduse en avait assez de se faire manger par les poissons. Deux solutions pour survivre : soit elle se revet d'une carapace d'oursin mais alors elle perd de sa mobilité (c'est la burka). Soit elle se revet d'une carapace intérieure, d'une colonne vertébrale qui lui permet une plus grande agilité et adaptibilité pour se protéger des attaques des poissons. Il faut nous revêtir d'une burka intérieure, c'est à dire d'uns conscience, d'une loi morale, de vertus...