mercredi 3 décembre 2008

Steiner, « Nostalgie de l’Absolu ».

Steiner, Nostalgie de l'Absolu

Le déclin des confessions chrétiennes qui ont structuré la vision occidentale de l’identité de l’homme, ce déclin a laissé dans l’existence morale et intellectuelle de l’homme occidental un vide immense .
Ce vide a été remplacé par des « métareligions » ou « antithéologies » ou « mythologies ».
Qu’est ce qu’une « mythologie » ou théologie de substitution ?
Trois conditions sont nécessaire pour prétendre à être une « mythologie ».
1/ L ‘analyse proposée doit être totale et si l’on peut réfuter un point, alors tout le corps de pensée s’écroule.
2/ Cette « mythologie » a une naissance, une origine aisément reconnaissable dans une révélation. Cette révélation sera souvent contestée par des adeptes ou disciples qui provoqueront ainsi l’apparition d’écoles diverses ou hérésies.
3/ Cette « mythologie » a son propre langage, ses propres codes.
Ces théologies de substitution sont généralement sans Dieu, anti-transcendance mais elles sont très « religieuses » dans leur structure ou forme.

Reprise de ces trois caractéristiques avec le marxisme :

1/ L’analyse, la vision du monde et de l’homme proposée doit être « totale ». Si un élément de cette pensée possède une faille, c’est tout le système qui s’effondre.( Ex. pour une religion chrétienne : si on ne croit pas en un des messages du Christ, on ne croit plus en rien, en fait ).
Marx propose réellement une vision du monde : « le marxisme traduit la doctrine théologique de la chute de l’homme, du péché originel et de l’ultime rédemption en termes historiques et sociaux. ».
2/ Deuxième aspect de la mythologie : elle possède comme toute religion traditionnelle une naissance, une origine aisément reconnaissable dans une révélation. Marx est plutôt obscur, selon Steiner quant à la déchéance humaine, point de départ d’un progrès. « Qu’est ce que la chute de l’homme ? Quel péché a t-il commis ? Le marxisme n’y répond pas vraiment. En revanche, on ne saurait douter du caractère messianique de ce qu’il dit de l’avenir….C’est précisément parce que le scénario millénariste de la rédemption de l’homme et de l’instauration du royaume de la justice sur terre continue de captiver l’esprit humain. »
3/ Troisième caractéristique de la mythologie : elle possède son propre langage, ses codes. A propos du marxisme : « Nous avons la vision du prophète et les textes canoniques légués aux fidèles par le premier des apôtres. En témoignent les liens entre Marx et Engels ; l’achèvement posthume du Capital ; la publication progressive des premiers textes sacrés. »
Tous ces aspects qui font du marxisme une théologie de substitution expliquent fort bien pourquoi encore de nos jours nous trouvons une gauche extrême en pleine forme et des « martyrs » de la cause prêts à être adorés ou plutôt idolâtrés, prêts à se sacrifier ( ex : Rouillan qui ne regrette rien de ses actes)

Voyages à l’intérieur.

Karl Popper voit dans le marxisme et la psychanalyse deux grands exemples de pseudo-science.
Freud aurait bien voulu donner à la psychanalyse des fondements biologiques. « Freud redoutait – c’est le mot juste, je crois – l’écart croissant entre la psychanalyse et l’investigation clinique, entre l’image psychanalytique d’une architecture tripartite de l’esprit – moi, surmoi et ça – ou la dynamique du refoulement et de la sublimation, d’un côté, le traitement neurophysiologique et biochimique des fonctions mentales de l’autre. » (P24)
Freud n’aura jamais de confirmation clinique de sa psychanalyse. Certes, cette dernière a eu une influence considérable sur la culture occidentale mais elle ne consiste en fait qu’à une étude « d’habitudes linguistiques et comportementales à un moment et lieu donnés ( vie bourgeoise en Europe centrale et occidentale entre 1880 et 1920). » (P25-26)
L’influence freudienne montre à quel point la psychanalyse a été une sorte de subrogé de théologie.
Le mythe est triplement présent dans la psychanalyse. Freud a en effet pensé les mythes et les religions pour étayer ses théories ( CF. la théorie freudienne du mythe d’Œdipe ). La littérature va apporter une forme de validation à la théorie freudienne, à la place de l’expérience scientifique.(P30)
Deuxième aspect : Freud va incarner sa théorie grâce à la figure de Moïse. ( Marx utilisera celle de Prométhée). Comme Moïse, il se devait de diriger l’humanité vers plus de raison, d’équilibre psychique, comme Moïse, il se fit « trahir » par ses meilleurs élèves qui fondirent d’autres écoles de la psychanalyse. (P32-33)
Enfin troisième aspect de la présence du mythe : pour Freud, il y a aussi le mystère du péché originel. Celui-ci serait du au fait que l’humanité porte la marque du meurtre originel : celui de la figure du père tuée par ses fils.(P34)
D’où une tension permanente entre une pulsion de mort et un ordre dans la société. Le mythe du sens de la vie : Deux dieux, deux principes gouvernent notre existence : l’amour, Eros et la mort, Thanatos. Mais la finalité de l’espèce humaine, contrairement à ce que l’on pense, n’est pas l’amour ou la survie de l’espèce mais au contraire l’inertie, le repos, la mort. « La consommation de la libido réside dans la mort ».(P35)
Pour Marx, il y a à retrouver un état édénique sur terre, pour Freud, cet état réside dans la mort .
La psychanalyse freudienne veut débarrasser la psyché humaine des illusions de la religion. Jung, élève et « traître » de Freud, au contraire voudra redonner sa place à la religion.
« Freud s’efforça de bannir les ombres archaïques de l’irrationalisme, de la foi dans le surnaturel. Sa promesse, comme celle de Marx, était promesse de lumière. Elle ne s’est pas accomplie. Au contraire. »(P39)

Le Paradis perdu

Claude Lévi-Strauss évoque l’influence de Marx et Freud sur son propre travail d’anthropologie. Il veut aller au bout du raisonnement théorique des deux premiers en l’appliquant à son propre travail d’anthropologue.
L’anthropologie est la science de l’homme. « …l’anthropologue, selon Lévi-Strauss, doit pratiquer une « science de l’homme » aspirant à un modèle global de la nature de la vie humaine au regard duquel l’investigation marxiste des forces sociales et la cartographie freudienne de la conscience ne sont que des préliminaires. » (P42)
L.S. veut unifier l’investigation marxiste des forces sociales et la cartographie freudienne de la conscience et approfondir ainsi la science de l’homme . Il est vraiment l’inventeur de la notion de mythologie, totale et complète. « Il se fait créateur de mythes, mythographe, il est un inventeur de légendes, accordant une importance absolument centrale à la notion de mythologie totale, complète. » (P43) « Pour Claude Lévi-Strauss, les mythes sont, très simplement, les instruments de la survie de l’homme en tant que qu’espèce pensante et sociale. » (« mytho-logie ») « Aux yeux de Lévi-Strauss, l’homme est un primate mythopoïétique…un primate capable de fabriquer, de créer des mythes, et à travers eux d’endurer la teneur contradictoire, insoluble, de son destin. »(P44)
C’est par les mythes que l’homme donne sens au monde et c’est par les mythes qu’il peut affronter toutes les contradictions du monde, internes ( Freud) et externes (Marx) : être et non-être, mâle et femelle, jeunesse et vieillesse, lumière et ténèbre…)
« Pour Lévi-Strauss, raconter des histoires est la condition même de notre existence ; »(P44)
L’esprit « code » toutes les données empiriques reçues selon un mode binaire : le oui et le non, l’organique et l’inorganique. Il y a une structure binaire de la réalité.(P45)
La structure binaire la plus importante est celle, selon L.S., de la Nature et de la Culture. L’homme est composé d’éléments acquis qui interagissent entre eux et qui divisent l’homme dans son être même.(P45)
L.S. est plus précis quant à Marx et Freud par rapport à la division originelle de l’homme. En effet, de par cette structure binaire qui compose l’homme, Nature et Culture, on s’aperçoit que le passage d’un état de nature à un état de culture a été pour l’homme une « étape destructrice »(p46). Le vol du feu par Prométhée qui était dans la mythologie marxiste l’avènement du progrès ( ou le passage de l’ignorance à la connaissance intellectuelle) s’est fait avec le divorce de l’ordre naturel. Tous les mythes s’attachent à démontrer ce divorce avec la nature. Ce divorce avec la nature fait entrer l’homme dans son humanité mais le laisse déséquilibré. L’évolution du langage a permis cet accomplissement humain mais accentue le divorce avec la nature : « Le langage est la condition de l’excellence humaine, mais l’homme ne peut ni communiquer avec ses parents animaux ni les appeler à l’aide. »(P49) Les primitifs ou peuplades sauvages qui ont subsisté ont rendu cette rupture avec la nature moins violente que l’homme occidental.
Mais cet homme occidental, (« le génie prédateur des grecs ») a détruit l’objet même de son étude, ces sauvages et les pans de nature restante. Le ravage de la nature a pour nom, chez L. S., progrès technique. Ce meurtre écologique conduit directement l’homme du XXè siècle à l’Holocauste c’est à dire à la destruction propre de l’homme. « L’anthropologie, la science de l’homme, trouve son apogée dans « l’enthropologie ».(P53)
Trois mythologies rationnelles qui revendiquent un statut scientifique et qui procèdent d’une métaphore commune, le péché originel. Ces trois substituts du Christianisme ont été développés par trois Juifs.

Les petits hommes verts

Nous vivons dans un climat d’irrationalisme depuis le déclin du Moyen-Age. Il suffit de constater, par exemple, le succès de l’astrologie. On croit avec énergie aux ovnis. (P60-61) Enfin, « l’occulte est devenu une immense industrie avec des subdivisions à n’en plus finir. Les phénomènes psychiques, psychocinétiques et télépathiques sont étudiés avec le plus grand sérieux. »
Or nous savons bien qu’un dualisme primaire entre corps et esprit ne tient pas : « entre l’immatériel et le matériel existent des réciprocités d’interaction dynamique. Partout, le vieux divorce entre la chair et l’esprit cède à une métaphore du continuum autrement plus complexe. »(P65)
Dans le domaine scientifique, les débats sont beaucoup plus profonds et ouverts que les explications astrales proposées. « L’état présent de la recherche se distingue par une largesse spéculative sans parallèle ».
Enfin, « troisième grande sphère de la déraison : l’orientalisme ou l’attrait pour les sagesses orientales ( cultes grecs à mystères et franc-maçonnerie)
Toutes ces déraisons en fait sont des critiques de nos propres valeurs occidentales.
En fait, la religion chrétienne d’un côté et la raison de l’autre se sont toutes deux révélées impuissantes face à la barbarie humaine. Du coup, l’homme jette son regard vers le ciel, littéralement et attend son salut hors de la terre. « Incapable d’affronter sa propre condition, l’homme espère désespérément une surveillance bienveillante, à laquelle rien n’échappe, et, à l’extrême, une aide venue de l’extérieur. »(P71)
Les occidentaux ne croient plus du tout que leur civilisation est supérieure à toutes les autres.
Ils sont attirés par « les traditions de l’Asie, des indiens d’Amérique et de l’Afrique noire »(P72)
Cet accès général de déraison cache, au delà du rejet de notre civilisation occidentale, la nostalgie de l’Absolu et surtout la faim du Mystère. Les théologies de substitution n’ont pas comblé cette nostalgie. Les sciences exactes pourraient-elles le faire ?

La vérité a t-elle un avenir ?

Pour Auguste Comte ou Marx, il était évident qu’au fur et à mesure qu’il y aurait un essort des connaissances scientifiques, les religions déclineraient car devenues inutiles pour expliquer le monde et l’homme et donner la vérité. « En passant des explications spécieuses de la théologie…à une authentique intelligence scientifique… l’homme… satisferait la brûlante soif de vérité de l’esprit et de l’âme ».(p 76)
La recherche d’une vérité abstraite a été le fait d’une culture grecque et occidentale. Les progrès techniques et scientifiques ont augmenté le champs de cette vérité à trouver.
« Cherchez la vérité, trouvez-la, et vous serez un homme plus complet, plus libre. » (P 79)
Il y a eu quelques oppositions à cette quête scientifique de la vérité : par l’Eglise et surtout des attaques par les Temps Modernes. La vérité serait une arme dans la lutte des classes et elle serait aux mains de la bourgeoisie.
Mais il y a plus inquiétant que cette vision de la vérité : « Certes la vérité ne nous rend pas forcément libres, mais elle peut aussi nous détruire ».(p 81) Trois exemples de ce fait : le premier est la pensée de l’entropie, de l’épuisement de l’univers – avec l’interrogation : quand est-ce que cet entropie commencera à nous destabiliser par rapport à notre sentiment d’une vie éternelle-. Le deuxième exemple est le fait que l’homme ne paraît pas être constitué pour de longue périodes de paix mais plutôt fait pour la guerre. Seul problème : la guerre de nos jours sera totalement destructrice. Troisième exemple : les avancées de la recherche pourraient arriver à des conclusions qui mettraient en péril la survie même de l’homme. Elles font souhaiter la fin de la recherche scientifique donc la fin de la recherche de la vérité qui apparaît comme dangereuse pour l’homme. Il vaudrait mieux s’attacher à notre aspect moral plutôt qu’à notre aspect intellectuel et dominateur. « On nous presse d’abandonner l’altière image de l’Homos sapiens – de l’homme de savoir, de l’homme qui traque la connaissance – au profit d’une vision enchanteresse de l’Homo Ludens : tout simplement , d’un homme qui joue, d’un homme détendu et intuitif, de l’être pastoral ». (P86) Retour à une écologie primaire recommandé.
Ce retour paraît complètement illusoire et utopique. De plus cela va « contre l’histoire de notre cortex, du cerveau tel que nous l’avons employé en Occident. »(P 87) Et l’homme est constitué pour continuer à se poser des questions et à tout « dévorer » sur son passage.
Cependant, loin d’imaginer comme au temps de l’Antiquité que la vérité est l’amie de l’homme, nous pouvons penser aujourd’hui que la vérité a un avenir, elle, et en opposition à l’homme.
« La vérité, je crois, a un avenir ; que l’homme en ait un est beaucoup moins clair. Mais je ne puis m’empêcher d’avoir ma petite idée sur ce qui importe le plus. » (P 89)



dimanche 9 novembre 2008

Violence : les racines du mal, par Lucienne Bui Trong

Violence : les racines du mal
(éditions : le Relié, collection : ose savoir)
Lucienne Bui Trong
« Spécialiste de la violence urbaine par profession ( ex-commissaire divisionnaire à la direction centrale des Renseignements Généraux) et philosophe de formation, L B T analyse, en observatrice privilégiée, le mal qui frappe de plus en plus durement la société française. Elle considère cette société dédiée à l’individu-roi et, face à lui, un Etat harcelé par des revendications de toutes sortes, géant affaibli qui semble douter de l’autorité même dont il est investi. Elle note les contradictions de l’individualisme contemporain, revient aux sources de la liberté, et met en lumière, avec les racines de la violence, ses possibles remèdes. »

Introduction
Il y a une désacralisation de toutes les formes d’autorité, dans la société civile comme dans l’Etat.
« Les repères se brouillent, et seul semble subsister l’individu, porteur de droits transformés en créances. »
Or l’homme de la rue ne se reconnaît pas dans ce « bougisme » des élites : il pense toujours que certains repères ou valeurs sont nécessaires et dignes de respect .
L’approche policière qui était la mienne « marquer son propre territoire et se faire respecter, à tous les niveaux de la société…restaurer l’autorité, afin d’indiquer clairement aux jeunes les limites à ne pas franchir, les lieux et les règles à respecter. », a toujours été approuvée par les éducateurs et parents rencontrés .
L’autorité n’est pas un concept dépassé, « l’individu… ne réalise son humanité que par l ‘éducation, par sa relation avec les autres.
Comment retrouver la notion d’autorité ?


dimanche 26 octobre 2008

la dignité de l'homme : expérience

La réflexion proprement rationnelle, philosophique de cette maman donne un éclairage sur cette question centrale : « qu’est que l’homme ? » bouquin à lire absolument.
J’ai eu le bonheur de rencontrer ce jeune couple, leurs enfants et Philippine, il y a quelques années ( elle s’est endormie dans mon salon, pendant que nous prenions un café : je la regardais, j’admirais ce magnifique visage d’enfant, paisible, ses yeux immenses qui ne voyaient pas.). Au milieu de toute cette souffrance et du combat quotidien invraisemblable que menait ces parents pour leur enfant, nous étions là, un dimanche, en famille et le calme « surnaturel » de cet instant m’a marquée à vie.

" Toute la vérité du monde était contenue dans cette enfant, toutes mes questions avaient trouvé réponse devant cet être d’une fragilité absolue et à la vie si éclatante, si forte, si précieuse. C’était très étrange et très simple à la fois.
« Sophie et Damien Lutz sont les parents d'une petite fille polyhandicapée, Philippine. Dès avant sa naissance, les médecins détectent chez elle une très grave lésion cérébrale, qui ne lui permettrait pas de vivre et la vouait à l'avortement. Une hypothèse que récusent immédiatement ses parents.
Contrairement à tous les pronostics, Philippine va survivre, restant cependant dans un état de grande dépendance, celui d'un tout-petit entre trois et six mois. La communication avec elle se limite à l'esquisse d'un sourire dans ses moments de bonheur. Sophie Lutz montre comment l'accueil de la fragilité de Philippine transforme peu à peu la vie de ses parents et les rend plus humains et comment le "scandale" du handicap peut être source de vie.
"J’aime Philippine et je déteste le mal qui la touche. Je ne veux pas me tromper d’ennemi... Je ne veux que l’aimer. Elle est innocente. Je suis donc révoltée non pas que Philippine existe, ou même soit vivante, mais qu’elle soit abîmée. Je rapproche cette révolte de celle que l’on peut ressentir devant une catastrophe naturelle. La nature a des dysfonctionnements absurdes. Le mal et la mort existent, et je n’y peux rien. L’absurdité ne peut faire naître que la révolte, parce qu’il n’y a pas d’explication. Or je ne pense pas que la vie soit absurde. Le mal est absurde."
"Avoir, savoir, pouvoir : toutes choses qui peuvent faire oublier le principe de réalité, ce qui est. Philippine ne possède pas, ne sait pas, ne peut pas. Elle m’oblige à vivre non pas dans l’illusion, mais dans la réalité, à être moi-même avant tout. Elle m’oblige à me poser la question si difficile de la connaissance de soi : « Qui suis-je ? » Philippine est mon Socrate... Je suis obligée de repasser au crible tout ce que je suis, ce que je pense, ce que je rejette ce que j’aime, ce que je fais, ce que je veux faire de ma vie."

dimanche 19 octobre 2008

La Sainte Trinité, chez Saint Thomas

Le mystère de la Sainte Trinité chez Saint Thomas.
Synthèse d’un article trouvé dans la revue Nova et Vetera du Fr. Gilles Emery op. ( op signifie : ordre prêcheur, en l’occurrence ici : un dominicain)

Extraits tirés de « Saint Thomas d’Aquin Le bœuf muet » de Chesterton.

"Loin de moi l'idée qu'un pauvre frère puisse nier la présence des
éblouissants diamants contenus dans votre tête, sculptés en formes
mathématiques parfaites et rayonnant une pure lumière céleste; ils
sont là presque avant que vous commenciez à penser, ou même à
voir, à entendre ou à sentir. Je n'ai cependant pas honte d'avouer que
la nourriture de ma raison passe par mes sens; que ce que je pense est
grandement redevable à ce que je vois, je sens, je goûte et je touche;
et, en ce qui concerne ma raison, je me sens obligé de traiter toute
cette réalité comme étant réelle. Bref, en toute humilité, je ne crois
pas que Dieu voulut que l'Homme utilise seulement la sorte d'intelligence
élevée et abstraite que vous avez le bonheur de posséder: je crois qu'il existe un lieu mitoyen où des faits sont proposés aux sens
pour être traités par la raison; et que la raison a le droit d'y régner
comme représentante de Dieu dans l'Homme. Certes, ceci est d'un
niveau moins élevé que les anges; mais c'est d'un niveau plus élevé
que les bêtes et que tous les objets matériels qui se trouvent réellement
autour de l'Homme. Certes, l'homme peut aussi être considéré
comme un objet, et même un objet déplorable. Mais un homme
peut faire ce qu'un autre homme a fait; et si un vénérable vieux païen
du nom d'Aristote peut m'aider à le faire, je lui en serai humblement
reconnaissant."

On ne pourra guère cacher plus longtemps à qui que ce soit, que S. Thomas d'Aquin fut un des grands libérateurs de l'intelligence humaine.

Le fait de l'histoire nous force à voir que Thomas était un grand homme qui réconcilia la religion et la raison, qui lui ouvrit le chemin des sciences expérimentales, qui insista que les sens étaient les fenêtres de l'âme et que la raison pouvait de droit divin se repaître des faits, et que la Foi avait affaire à assimiler la viande de la plus solide et de la plus pratique philosophie païenne
et la raison, qui lui ouvrit le chemin des sciences expérimentales, qui
insista que les sens étaient les fenêtres de l'âme et que la raison pouvait
de droit divin se repaître des faits, et que la Foi avait affaire à assimiler
la viande de la plus solide et de la plus pratique philosophie païenne.

On trouve la confiance en la raison au coeur même de l'enseignement
thomiste tandis qu'au coeur même de l'enseignement luthérien, on
voudra que la raison ne soit pas du tout fiable.

Ce point est très au point: ces hommes devinrent d'autant plus orthodoxes,
conformes à la foi, qu'ils devinrent plus rationnels ou plus naturels. Devenir plus orthodoxe, plus conforme à la foi, était l'unique façon de devenir plus rationnel et plus naturel. En d'autres mots, une véritable théologie libérale n'a rien à voir avec le libéralisme [théologique] et ne pourrait même pas coexister avec celui-ci.

Il en va de même avec la vieille question plus métaphysique de l'Un et du Multiple, qu'il faudra reprendre plus tard et que nous reverrons
trop superficiellement. Les êtres sont-ils tellement différents qu'ils
ne puissent être classifiés, ou tellement unis qu'ils ne sauraient être
distingués? Sans prétendre répondre maintenant à de telles questions,
nous pouvons en quelque sorte dire que S.Thomas insiste fortement
que la variété existe réellement tout autant que l'unité.



Le mystère de la Sainte Trinité chez Saint Thomas.
Synthèse d’un article trouvé dans la revue Nova et Vetera du Fr. Gilles Emery op. ( op signifie : ordre prêcheur, en l’occurrence ici : un dominicain)

Quelle est la finalité de l’étude d’une théologie trinitaire, qui développe les notions de « processions », de « relations », de « personnes » et de « propriétés » , telle que la développe Saint Thomas ?

Notre existence a t-elle un sens ? Jean Staune

Jean Staune

Question centrale du livre et titre du livre : notre existence a t-elle un sens ?
L’auteur ne dit pas : « la vie a t-elle un sens ? » mais « l’existence a t-elle un sens ? »
Notre vie a t-elle un sens ? signifie que nous donnons un sens à nos vies : certains diront que ce sont leurs enfants qui donnent un sens à leur vie, d’autre leur travail, etc…Mais ici, il ne s’agit pas de cela :
le fait qu’il y ait sur terre des êtres vivants sur terre avec une conscience dans un univers que l’on connais est ce que cela a un sens, une signification ? Cette question s’étend aux êtres vivants sur terre et pourquoi pas dans l’univers.

Avec ce type de question, pouvons-nous nous situer dans une perspective scientifique ?
Deux choses :
1- l’interprétation dans la science : interpréter des expériences dans le domaine scientifique.
2- La philosophie des sciences, ou l’on sort du domaine strictement scientifique pour une réflexion à propos de la science .

La science ne peut se départir d’une interprétation à l’intérieur de la science. La science peut dire en elle-même déjà beaucoup de choses. La question préalablement posée, « l’existence a t-elle un sens , » peut-être étudiée par la science elle-même et cette dernière peut nous apprendre énormément de choses.

Il existe des modes en matière scientifique. Dans quelle mode sommes-nous aujourd’hui ?
Aujourd’hui, EN SCIENCE, ON SAIT TRES BIEN POURQUOI ON NE SAURA JAMAIS TOUT .
Il ne s’agit pas de définir un mystère mais d’une vraie démarche scientifique. La science moderne était habitée par l’espoir, la certitude d’expliquer tout le réel par le réel.
Or, là, nous avons une démarche scientifique différente et donc un bouleversement épistémologique gigantesque : expliquer le réel par le réel n’est plus possible, expliquent les scientifiques.
Il y a donc un vrai recul du scientisme.
Cela s’explique fort bien en mécanique quantique :
1 / Il y a un autre niveau de réalité ; au delà du temps, de l’espace, de l’énergie et de la matière, il y a autre chose.
2 / A partir du moment ou la mécanique quantique se base sur une incertitude fondamentale, dans le processus même de la nature, il pourrait alors y avoir des interventions extérieures à ce système, dans le système, sans violer les lois du système. Cette idée n’est plus absurde.

Serait-ce une forme de réconciliation de la science et de la religion ?
Einstein déclare : « la recherche scientifique nécessite une religiosité cosmique. » ( c’est à dire la capacité pour le savant de s’émerveiller devant une intelligence supérieure qui se manifeste dans les lois de l’univers.) Einstein ne croyait pas en un Dieu monothéiste mais quand même en une intelligence supérieure donc en un être supérieur.
Le monde ne s'explique pas par lui-même comme se l'imaginait la science auparavant. La mécanique quantique donne 2 choses: l'idée d'une incertitude irrémédiable dans les lois de la nature et l'idée d'un autre niveau de réalité.
Exemple: 2 particules jumelles, issues d'un même atome, qui partent dans deux directions différentes. En influant sur une des particules, l'autre va être aussi touchée. Deux hypothèses: soit l'influence qui touche la particule 1 et la particule 2 va plus vite que la lumière ( et ça n'est pas possible s'il s'agit d'une énergie car toute énergie dépend de la vitesse de la lumière), soit il y aurait 1 seul objet ou particule. Pas de distance donc et cette hypothèse parait absurde, à moins qu'on en revienne à cet autre mystérieux niveau de réalité.
"L'esprit scientifique nécessite une religiosité cosmique" c’est à dire simplement la capacité de déceler devant l'harmonie des lois de la nature une intelligence si supérieure que toutes les pensées humaines, leur ingéniosité ne peuvent révéler face à elle que leur néant dérisoire.
Le monde ne s’explique pas par lui-même. Il y a une faille. La science avait pour but d’expliquer le réel par le réel et l’on en revient au Platonisme : ce qui est important, c’est ce qui est extérieur à la caverne ou extérieur au système.
Autrement dit, il y a quelque chose d’autre au delà du temps et de l’espace. Cette constatation scientifique provoque une révolution conceptuelle en science.
Notre réalité dépend d’un autre niveau de réalité.
Or cet autre niveau de rélité ne peut être connu de l’homme ou du scientifique. Le monde est suffisamment compréhensible mais pas complètement. La science sait qu’elle ne sait pas tout.

Cinq domaines ou il reste du mystère.
1 / Le mystère de la nature de la Matière.
2/ Le problème de l’origine de l’univers et de la nature des lois de l’univers.
3/ Le mystère de la conscience, de la pensée humaine, de la nature de cette conscience et pensée humaine.
4/ Le mystère des mathématiques. Les mathématiciens prétendent être en contact avec un monde platonicien des mathématiques. Ils évoquent une illumination mathématique comme une expérience mystique.
5/ Le mystère de l’évolution de la vie. Serait-elle au delà du hasard et de la nécessité ?

On peut résumer ces cinq grands mystères en passant d’un matérialisme scientifique à un platonisme scientifique.
On peut montrer les traces de cet autre niveau de réalité dans tous les domaines. C’est très clair en mécanique quantique, en astro-physique ( théorie du Big-Bang : le temps et l’espace ont bien surgi d’autre chose que le temps et l’espace..), en maths. C’est moins évident en neuro-sciences et dans les sciences de la vie.
Il pourrait se manifester se manifester (ce niveau de réalité autre) sous une forme d’archétype platonicien ou de forme platonicienne éternelle dont notre monde serait la projection et il pourrait être une clé de compréhension dans tous les grands domaines scientifiques. La science se caractérise par l’expérience . Or, on atteint un domaine ou aucune expérience n’est possible ?
Les expériences sont faites alors en creux. Exemple : on ne voit pas un électron en état ondulatoire, cependant, affirmer qu’un électron peut être en état ondulatoire n’est pas absurde.
On doit interpréter ce que l’on ne peut pas observer directement en sciences. C’est une démonstration par l’absurde, en maths.

Est-ce que les hommes pourraient acquérir des preuves de cet autre niveau de réalité, non plus en creux mais en relief ?
Non, cette nouvelle épistémologie démontre qu’il y aura toujours une incertitude fondamentale. On pourra constater les effets de cet autre niveau de réalité de mieux en mieux, simplement.

Autre exemple : La conscience humaine serait possible sans le cerveau. Le cerveau est une condition de la conscience humaine mais pas la cause de la conscience. La conscience humaine n’est pas que le produit du cerveau. En effet, la conscience n’est pas séparée du cerveau mais le temps de la conscience humaine n’est pas équivalent au temps des neurones. Il y a un décalage de la conscience par rapport au cerveau. Décalage temporel entre cerveau et conscience. ( cf chapitre : « qui sommes-nous ? » ) d’une demi-seconde. Tout ce dont nous prenons conscience, il faut une demi seconde pour en prendre conscience.
Or , si la conscience remonte dans le temps, c’est qu’elle n’est pas dans le temps.
Dans notre niveau de réalité, la structure de l’espace-temps empêche d’aller plus vite que la lumière. Quand vous accélérez, il y a une déformation de l’espace-temps autour de vous, et, arrivé à la vitesse de la lumière, la déformation de l’espace-temps est telle que la structure de
L’espace-temps empêche d’aller plus vite encore.
Dans un autre niveau de réalité qui interviendrait causalement, dans notre niveau de réalité, le premier pourrait le faire sans violer les lois fondamentales de l’univers. La mécanique quantique permet, sans violer les lois de conservation de l’univers et , entre autre, les lois de conservation de l’énergie, à certaines réorganisations de se produire.
Cet autre niveau de réalité : on sait que l’on ne saura jamais, qu’on ne le dévoilera pas en totalité. Il nous est connu par ses conséquences et non par ses causes.

L’évolution de l’homme.

Il y a l’idée d’une évolution à partir d’ancêtres communs.
L’évolution peut-être Darwinienne, Theillardienne, Lamarkienne.
Or, en Amérique, on désigne par évolution l’évolution Darwinienne.
Il faut distinguer deux choses :
1/ La théorie Darwinienne.
2/ Le fait de l’évolution à partir d’ancêtres communs.
Il y a confusion entre ces deux distinctions.
Les créationistes parlent de création séparée pour les êtres vivants.

Il faut partir du fait que l’évolution est une réalité. Après, cette évolution est-elle Darwinienne ou autre ? Les processus de type darwinien expliquent beaucoup de choses mais pas tout. L’évolution serait comme canalisée ( comme un ruisseau qui suit le lit des ravins d’une montagne ) . L’évolution ? elle coulerait dans la structure d’un paysage qui pré-existe. Il y a des convergences sur terre entre les êtres vivants très différents. L’évolution darwinienne se coulerait dans des formes fonctionnelles possibles pré déterminées depuis le Big Bang, comme des Archétypes platoniciens.

Aspect Théologique
1/ Ce que l’on peut dire en sciences : notre univers ne s’explique pas par lui-même. Il faut faire appel à un autre niveau de réalité. Ceci est prouvé.
2/ Contact possible, au moins en mathématiques entre l’esprit humain et ce fameux niveau de réalité platonicien.

Si l’on étudie les grandes traditions religieuses, il y a toujours deux niveaux de réalité et un contact possible entre l’esprit humain et cet autre niveau de réalité.
Les religions seraient-elles simplement des inventions humaines, elles seraient néanmoins basées sur un message d’origine non-humaine.

Légitime défense, François Romério

C’est un livre qui date carrément ( la peine de mort n’avait pas encore été annulée, par exemple ) mais très instructif pour se replonger dans des principes de base. Je ne connais rien personnellement l’aspect proprement juridique de cette notion de légitime défense. Mais préciser les termes, d’un point de vue philosophique, est instructif. C’est un petit topo qui peut vous donner quelques munitions lors d’un débat.( ou lors d’une agression, ce que je ne vous souhaite pas, bien sûr ; mais au moment fatidique, on peut être paralysé de façon perverse à cause de scrupules imbéciles).

« Plaidoyer pour la légitime défense »
François Romério, Editions du Dauphin, Paris 1979. ( Bio. Express : : Après avoir accompli une grande partie de sa carrière de Magistrat en Indochine, comme juge puis Procureur de la République, F. Romério, fut de 1950 à 1954 Président de la cour d’Assise de Douai, puis de 1954 à 1962 de celle d’Aix-en Provence.
En 1965, le Général de Gaulle le nomme Premier Président de la cour de Sûreté de l’Etat. Il le restera jusqu ‘en 1975 avant de devenir Conseiller à la Cour de Cassation.
Il crée en 1978 l’association « Légitime Défense » qui n’existe plus.)

Définition de la légitime défense : « La légitime défense présente donc cette particularité d’être pour la victime, un état de liberté totale, de liberté anarchique, où plus rien ne la protège, où elle ne peut compter que sur elle seule, où il faut qu’elle prenne, en une fraction de seconde, une décision qui peut engager toute sa vie. » (P19)
« Albert Camus écrit : « Je défendrais ma mère avant la justice » ; Soljenitsyne : « Il s’agissait là d’un élémentaire sentiment de méfiance remontant des profondeurs des cavernes : si je l’épargne, c’est lui qui me tuera. Et le bâtonnier Bouzat…. : « La légitime défense, c’est presque toujours quelque chose de viscéral. Quand la peur nous empoigne, rien ne peut nous empêcher de tirer, et très souvent on a eu raison de tirer immédiatement, sans quoi on aurait été tué » (P20).
« La légitime défense est un droit et souvent un devoir moral, car elle s ‘applique également à la défense d’autrui »
Ce droit et ce devoir doivent donc pouvoir s’exercer avec la protection de la loi. Or, actuellement, il y a une remise en cause de la légitime défense qui a toujours existé dans les mœurs. « …on est tellement entré dans cette voie pseudo-humanitaire qu’on en arrive à protéger les malfaiteurs. » (P21)

« La légitime défense n’est pas un moyen de rendre la justice. » (P21). Il ne s’agit pas d’exercer une justice privée mais d’exercer son instinct de conservation.

Le fondement juridique des textes sur la légitime défense, articles 328 et 329 du Code Pénal :
Article 328 du Code pénal
« Il n’y a ni crime, ni délit, lorsque l’homicide, les blessures et les coups étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime de soi-même et d’autrui »
Article 329 du Code pénal
Sont compris dans les cas de nécessité actuelle de défense les deux cas suivants :
1° Si l’homicide a été commis, si les blessures ont été faites, ou si les coups ont été portés, en repoussant, pendant la nuit, l’escalade ou l’effraction des clôtures, murs ou entrée d’une maison ou d’un appartement habités ou de leurs dépendances .
2° Si le fait a eu lieu en se défendant contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence .
Lorsque l’Etat, représenté par sa police tue ou blesse pour s’opposer à des bandits, il est bien entendu qu’il n’est pas punissable. Lorsque l’Etat, c’est à dire la police n’est pas présente pour s’opposer à des bandits, l’agressé devra se défendre seul. « Dans ce cas, et dans ce cas seulement, je (=l’Etat) lui délègue mes pouvoirs de police »(P24).

(Bien relire le n°2 de l’art.329 : ça n’est pas que la nuit, en défendant sa maison ou son commerce que l’on est en état de légitime défense, comme on le pense trop souvent.)

« Il est absolument inexact qu’un texte quelconque exige, pour qu’il y ait légitime défense, que la défense soit proportionnée à l’attaque. »
La notion de proportionnalité qui est introduite dans les textes pervertit complètement le sens de la légitime défense.
Cette notion de proportionnalité n’est pas tenable pour deux raisons : d’une part, pour une question de dignité. On ne peut pas mettre sur le même plan le voyou qui agresse et l’honnête homme qui se défend . d’autre part, « la proportion est un élément subjectif laissé à l’arbitraire du juge. »(P26) et cet argument de l’arbitraire du juge qui pourrait se concevoir ne tient pas face à ce troisième argument donné par le législateur lui-même : « le législateur a donné à l’honnête homme agressé le droit de se défendre. Pourquoi ? pour qu’il soit victorieux. Si l’on dit à quelqu’un : « Défendez-vous, mais soyez battu » cela ne veut rien dire. » (P26)

« Celui qui agit en état de légitime défense n’est pas un justicier. Il n’a pas à rendre la justice. On parle de loi du talion, il n’en est rien. Pour une bonne raison, c’est que la loi du talion postule la proportionnalité et que nous, nous l’avons vu, ne l’acceptons pas. » (P44)

« Il y a en droit, une théorie du risque accepté, qui ne permet pas d’infliger des sanctions pénales ».
La théorie du risque accepté concerne, vous le comprenez aisément, le bandit. Si par exemple vous piégez votre maison et que le voleur se fait tuer dans un piège, vous n’êtes en rien coupable de quoi que ce soit, en regard de la loi ( et même en conscience doit-on ajouter).Le malfaiteur doit assumer une prise de risque lors qu’il commet ses méfaits. « Il n’a pas à commettre des actes qui sont des crimes ou des délits contre moi par manque d’humanité, je vais lui en tenir compte pour me défendre. A un individu inhumain doivent répondre des actes inhumains. »(P30)

Distinction entre légitime défense et autodéfense

La légitime défense est une forme d’autodéfense puisque qu’au sens étymologique, l ‘autodéfense c’est la défense de soi-même.
Mais dans le langage courant, l’autodéfense est la défense préventive exercée par un groupe armé qui n’appartient pas à la police.
Ceci peut se concevoir et être admis dans les cas où il n’y a pas de police. « …l’autodéfense n’est pas prohibée par la loi, mais elle doit éviter de se substituer à la police car cela , la loi l’interdit, non pas en tant qu’autodéfense, mais en tant qu’usurpation de fonction. » (P38)
« On ne peut pas se substituer à la police ou à la justice, à une exception près, qui est justement celle de la légitime défense. Parce que là, il y a une véritable délégation de la loi. La loi se rend compte qu’elle se trouve devant un obstacle qu’elle ne peut pas surmonter. » (P43)

Comment juger ? contestation de la notion de légitime défense par les juges et magistrats qui s’efforcent de « rétrécir le domaine d’application de la légitime défense….Celui qui repousse par la force une agression injuste, non seulement est irréprochable du point de vue moral, mais rend service à la société. Tels ont été les principes en matière de légitime défense, jusqu’à ce que des esprits contestataires viennent systématiquement contester l’usage de la légitime défense, en donnant la préférence aux agresseurs et non aux agressés. » (P49)

La victime ( les aberrations évoquées ont peut-être évoluées : si quelqu’un connaît son droit pénal, c’est le moment de rectifier )
« La victime d’un crime est plus victime que la victime d’une guerre parce que si dans une guerre , les combats sont atroces, ils sont exempts de férocité. C’est le mal mis en action. » (P60)
Première aberration : les victimes, contrairement aux agresseurs, doivent payer pour avoir accès à leur dossier.
Deuxième : si l’accusé veut faire citer des témoins et qu’il n’a pas les moyens financiers de les faire venir, la Justice s’en chargera. La victime, elle devra payer toute seule la citation de ses témoins.
« …la victime » est « non seulement victime de son agresseur mais victime du procès pénal.. » (P66)
« Il faut , en résumé rendre la loi égale pour toutes les parties du procès pénal. » (P69)

La notion de vengeance ( ce passage m’a intéressée car j’ai repensé à ce chapitre de « Villa Vortex où Kernal et Mazarin vont se faire justice avant de mourir d’ailleurs. Et puis, à la dernière partie d’Artefact, bien sûr.)

« La famille d’une victime, je dois le dire très nettement, comme je l’ai constaté, cherche à se venger….Et la vengeance est un sentiment humain. On marque ce sentiment du sceau de l’infâmie, ce qui est excessif. Quel est celui qui pardonne tout de suite un crime commis contre sa famille ? Cela n’existe pas…
Un officier qui emmène ses troupes à l’assaut les exhorte et leur dit : « Les gars, nous allons venger nos copains ». Cela les stimule…Le désir de vengeance est un facteur d’énergie. »
« Par conséquent, je ne considère pas, contrairement à certains penseurs officiels, que la vengeance est un sentiment vil. C’est un sentiment humain qu’il faut savoir, bien entendu, discipliner, qu’il faut même essayer de raisonner et qui s’atténue, en fait, avec le temps. »

(Chapitre sur l’association « Légitime Défense » créée par l’auteur, et qui a disparu, semble t-il aujourd’hui. Je ne m’attarde pas sur ce chapitre, ce qui m’intéresse ce sont les principes, les notions et ce que recouvre les termes de « légitime défense ».)

Autre notion intéressante abordée par l’auteur : la correctionnalisation.
Le vol simple, c’est un délit passible de correctionnelle. Mais, si ce vol est commis avec des armes, apparentes ou cachées, cela devient un crime.
Certains magistrats….pour minimiser le vol avec armes, c’est à dire pour en faire un simple délit ( puni correctionnellement) décomposent l’infraction :
Premièrement : vol ; deuxièmement : port d’arme prohibée.
La peine, pour vol simple est minime. La peine, pour port d’arme prohibée, est minime aussi. » (P100-101)
C’est l’union des deux qui forge le crime. Si l’on dissocie les deux éléments, on « correctionnalise. »

Remise de peines et permissions
« Actuellement, par un souci d’humanité, à mon avis très mal placé, le législateur a prévu que, dans certains cas, on pourrait accorder une libération anticipée ou des permissions de sortie à des condamnés. Mais il a pris soin d’indiquer les précautions nécessaires pour que ces individus qui, par hypothèse, sont encore dangereux, puisqu’ils n’ont pas terminé leur peine, ne puissent pas nuire à la société. » (P112)
Article de la libération conditionnelle : article 729 du Code Pénal.
« Que l’on ne me dise pas que l’on remet en liberté des gens qui ont donné des preuves de réadaptation. Ils ne peuvent pas en avoir donné puisqu’ils sont en prison. »
« J’ai la même position pour ce qui est des permissions ou libérations anticipées. Et pour les mêmes raisons. » (P113)

Peine de mort ( débat qui n’a plus lieu aujourd’hui mais les arguments invoqués sont assez percutants)
« On dit que la peine de mort est un meurtre avec préméditation. C’est faux. L’exécution capitale n’est pas un meurtre. C’est un acte de défense sociale, comme le fait de tirer sur un ennemi en cas de guerre est un acte de défense nationale. C’est la légitime défense sociale. » (P120)

Peine de mort et religion catholique.
« La religion chrétienne est fondée sur une exécution capitale : celle du Christ. Le Christ est l’incarnation de Dieu venu sur terre pour racheter les péchés des hommes. Donc, la condamnation du Christ n’est pas une erreur judiciaire, puisque lui-même a dit : « Les péchés du monde, je les prends à ma charge, le coupable c’est moi. » Pour expier les péchés du monde, Dieu a estimé qu’il n’y a qu’une seule peine : la peine capitale. » (P121)

Caractère dissuasif de la peine de mort.
« Il est très rare qu’un homme condamné à mort, dont la peine a été commuée, et qui a été libéré, commette un autre crime. C’est parce que la peine de mort existe. » (P123)

Exemplarité de la peine de mort.
« La peine de mort est-elle exemplaire ? Moi qui suis de bonne foi, je dis : « je n’en sais rien ». Seulement, si elle est exemplaire et qu’on la supprime, il y aura un plus grand nombre de victimes. Si elle n’est pas exemplaire et qu’on la maintienne, on guillotinera des criminels pour rien. J’aime mieux que ce soit les criminels qui prennent le risque plutôt que les honnêtes gens. » (P124)

Islam et Judeo-Christianisme, Ellul

Je vous livre des notes personnelles prises il y a quelques mois sur Ellul, « Islam et judéo-christianisme » ( PUF ; qui contient, entre autres, une préface d’Alain Besançon et la préface d’Ellul au livre de Bat Ye’or, « The Dhimmi Jews and Christians under Islam).

Commencé un petit ouvrage de Jacques Ellul sur l’Islam. Il veut démontrer trois erreurs communément admises par les chrétiens à propos de L’islam. « nous sommes les héritiers d’un même Dieu, nous sommes les fils communs d’Abraham et les deux religions sont des religions du Livre, la Bible.
En ce qui concerne les fils d’Abraham, il revient sur la filiation des arabes par Ismaël, fils d’Agar la servante égyptienne et d’Abraham . Ismaël qui reçoit une curieuse bénédiction du Seigneur : « tu seras tel un onagre, tu seras contre tous et tous seront contre toi » ; en un mot, c’est la violence, la guerre qui caractérise Ismaël et sa descendance.
Les fils d’Abraham dans la religion juive puis chrétienne sont les fils d’Isaac, ceux qui ont observé les œuvres d’Abraham, en tout premier lieu sa foi en Dieu : Isaac est le fils que Dieu donne, en son temps à Lui, à Abraham. C’est l’enfant du miracle, de la foi. Ismaël est l’enfant de la non-croyance d’Abraham en Dieu ( Abraham ne croit plus possible d’avoir un enfant avec Sarah, il demande à Agar d’en avoir un avec lui.).Isaac est l’enfant de l’Alliance avec Dieu ; Ismaël ne contracte aucune alliance avec Dieu, il est simplement admis et donc béni par le Seigneur. La religion musulmane n’admet aucune filiation de l’homme avec Dieu, simplement un contrat ; pas d’amour mais un contrat.
( Le nouveau baptisé de Pâque, par le Pape, directeur adjoint du « Corriere della Sera » musulman d’origine, parle de l’Islam comme « historiquement conflictuel » ).

Deuxième point de divergence avec l’Islam : le monothéisme. Pour les musulmans, la religion chrétienne n’est pas monothéiste du tout à cause de la très Sainte Trinité. Un seul Dieu, certes, mais « trois manières d’être Dieu ». « L’unité de Dieu est une unité ouverte, libre, mobile, en elle-même, une unité dynamique. » Cette compréhension de la Trinité permet de comprendre la relation de ce Dieu avec l’homme. Dieu fait participer l’homme à son histoire avec Lui-même. « Cela signifie que l’œuvre de la création devient un reflet, le vis-à-vis du créateur et de la créature, une parabole, et la dualité de l’existence de l’être humain est une image de la vie interne de Dieu. » Quand Dieu se donne dans l’Incarnation, il est vraiment Dieu. Il se donne, à l’homme, en l’homme, c’est Dieu Esprit-Saint ou Don ou Amour. Il s’agit d’une unité ontologique par rapport à une unité purement numérique, selon l’islam. De plus, pour l’islam, il ne peut y avoir de relation personnelle, intime, entre Dieu et l’homme, telle qu’elle est pensée par le christianisme au travers de l’éclairage de la Sainte Trinité.
La transcendance divine est abîme entre Allah et l’homme chez les musulmans, elle est amour entre Dieu et l’homme par Jésus-Christ, chez les chrétiens.
Passage sublime d’Ellul : « La vérité ne consiste pas en des mots ou des idées…mais dans la réalité vivante de quelqu’un. Quand Jésus dit : « Je suis la vérité », il transforme totalement ce que nous pouvons concevoir comme vérité ! Ce n’est plus un débat d’idées, de philosophies, ce n’est pas la science qui permet de découvrir la vérité, puisque, ce qui est un scandale pour l’intelligence humaine, la vérité n’est pas une abstraction, mais une ( et une seule ! ) personne. »

Religions du Livre.
Distinction entre le Coran et La Bible. Le C. est dicté, lettre par lettre à Mahomet. La B. est un recueil de messages étalés sur dix siècles, messages que l’Eglise a accepté ou rejeté après examens et colloques. « La liberté est l’essence même de l’œuvre de Dieu, par l’homme, telle qu’elle nous est montrée dans l’Ecriture . » « La Bible n’est pas un livre dicté, c’est un livre inspiré ».
La Bible est « originée » dans une Parole de Dieu et devient Parole de Dieu quand elle est actualisée par l’Esprit- Saint en l’homme, par l’homme. Dieu reprend l’homme comme partenaire pour rendre vie à sa Parole.
La Bible est l’histoire du cheminement de Dieu avec l’homme, pour l’ élever à son niveau.
( plutôt : c’est Dieu qui s’est abaissé au niveau de l’homme.).
La Bible, c’est l’histoire du sauvetage de l’homme.( Dieu lui dit : « ne t’inquiète pas, toutes les alliances contractées entre les hommes sont fragiles, se brisent, au mieux, résistent miraculeusement et sans raisons vraiment plausibles quelques années, une vie , mais l’Alliance fondatrice, originelle, entre l’homme et Dieu demeure, elle est source de création , elle fait que tu existes et que tu es quelqu’un au regard de Dieu. »)

Les cathares, Sévilla, Historiquement Correct

« Le gnostique ( exemple : le cathare ) prétend vivre dans la vérité ; le chrétien l’accueille en lui du mieux qu’il peut. » ( American Black Box, P 325 )


Les cathares et l’Inquisition médiévale

« A la fin du XIe siècle, un mouvement de contestation de l’Eglise se développe dans l’actuel sud-ouest de la France…leur pensée repose sur un dualisme absolu….Le catharisme oppose deux principes éternels, le bon, qui a enfanté les esprits, les âmes, le Bien. Et le mauvais, qui est à l’origine de la matière, du corps, du Mal. Ce n’est pas Dieu qui a créé l’univers, c’est Satan. Toute réalité terrestre est marquée du signe du Mal. » (P52-53)
Les cathares utilisent la religion chrétienne en réinterprétant tout : Jésus n’est pas Dieu, c’est un ange, la Sainte Vierge un pur esprit sous des apparences humaines, l’âme doit quitter le royaume terrestre du Mal pour atteindre le royaume de l’esprit.
Les cathares se distinguent entre croyants et parfaits. Les parfaits quittent leurs famille, observent la plus stricte continence, ( ne mangent presque rien et sont végétariens et pratiquent l’abstinence sexuelle ).
« Plus qu’une hérésie, le catharisme constitue une remise en cause intégrale du christianisme. Récusant l’Eglise, la famille, la propriété et le serment d’homme à homme, les cathares nient les fondements de l’ordre féodal. » ( p54)
D’où le danger énorme de cette secte qui se répand à partir de 1160. C’est la remise en question de toute la société de l’époque, avec, à terme la disparition pure et simple de l’homme puisque celui-ci a une enveloppe charnelle mauvaise. Une hérésie au Moyen-Age, où « le temporel et le spirituel sont intimement liés, à une époque où la liberté de conscience est inconcevable…constitue une rupture de lien social. » ( P54)
L’Eglise pour combattre ce grand danger qui menace la société médiévale va employer bien des moyens, rarement la violence physique mais des moyens de persuation : prédication de Saint Bernard de Clairvaux, mission du Pape Innocent III confiée aux frères Raoul et Pierre de Castelnau, cisterciens en 1200, enfin intervention de Saint Dominique qui fonde un ordre consacré à la lutte contre l’hérésie à partir de 1205, les dominicains.
En 1208, Pierre de Castelnau est assassiné. Le comte de Toulouse, Raimond VI, se montre conciliant avec les hérétiques au lieu de les combattre. Le Pape prêche la croisade puisque les moyens pacifiques ne suffisent pas. C’est Simon de Montfort, un seigneur d’île de France qui prend la tête de la croisade, qui va durer tout de même 20 ans. Raimond VII ( fils du 6ème ), qui rencontre le roi Louis IX, promet de détruire Montségur, repère des cathares. « Refusant d’abjurer, 225 parfaits ( chiffre incertain ) montent sur un bûcher géant, puis le castrum cathare est détruit. » ( P58).
« Aux yeux de certains, le bûcher de Montségur symbolise la cruauté absolue des adversaires des cathares, catholiques ou gens du Nord. C’est négliger le fait que la prise du sanctuaire constitue un acte de guerre, accompli par des soldats. C’est oublier que la croisade contre les albigeois, conflit politico-religieux, est intervenue après l’échec de la résorption pacifique du catharisme. C’est omettre que l’hérésie, à l’époque, constitue un crime social. » ( P59)

Rôle de l’Inquisition française.
Apogée du catharisme vers 1200 ; croisade contre les albigeois à partir de 1209 ; Bûcher de Montségur en 1244.
« Dès 1213, Innocent III a affirmé la nécessité de traquer l’hérésie non sur la base de rumeurs ou de préjugés, mais en procédant à une enquête : en latin, inquisitio. » (P60)
Au départ, seuls les évêques sont habilités à procéder à l’enquête en vue de convertir mais « en 1231, Grégoire IX publie la constitution Excommunicamus, acte fondateur de l’Inquisition. » Les ordres mendiants ( Dominicains et Fransciscains ) vont être mis à contribution pour lutter contre l’hérésie grâce à cette justice ecclésiastique, indépendante de la justice civile. Certains inquisiteurs, seront révoqués parce que ayant « failli à leur responsabilité ».( souvent trop sévères dans leurs sentences).
« Au demeurant, du point de vue de la méthode judiciaire, l’Inquisition a représenté un progrès. Là où l’hérésie déclenchait des réactions incontrôlées – émeutes populaires ou justice expéditive -, l’institution ecclésiastique a introduit une procédure fondée sur l’enquête, sur le contrôle de la véracité des faits, sur la recherche de preuves et d’aveux, en s’appuyant sur des juges qui résistent aux passions de l’opinion. » (P64)
Usage de la torture : longtemps refusée par l’Eglise, elle est rétablie au XIII ème siècle à cause du développement du droit romain dans la justice civile. En 1252, Innocent IV autorise son usage dans les tribunaux ecclésiastiques à condition que cela n’entraîne ni mutilation ni la mort. Elle sera rarement utilisée, contrairement à ce qui est dit.
Le bûcher : « Emmanuel le Roy Ladurie note que l’Inquisition en use fort peu. »(P65-66)

« Au sens où l’entend le XXIe siècle, l’Inquisition est intolérante. Mais au Moyen-Age, ce qui n’est pas toléré, c’est l’hérésie ou l’aposthasie de la foi catholique : les fidèles des autres religions ne sont pas justiciables de l’Inquisition. » ( P66)


Bernanos.
Après ce résumé rasoir, je ne résiste pas à vous offrir quelques passages sur Saint Dominique de ce magnifique recueil de texte de Bernanos intitulé « les Prédestinés » ( textes rassemblés et présentés par Jean-Loup Bernanos, Editions du Seuil ). C’est un peu « la cerise sur le gâteau » et vous conseille vivement la lecture de ce livre que j’ai lu récemment .En fait, j’en ai rien à battre de l’Inquisition, mais Bernanos ! Bernanos, j’ai commencé cette année simplement ( je sais, c’est lamentable ). Saint Dominique, raconté par Bernanos fut un incroyable prêcheur vis à vis des hérétiques ; C’est cet aspect qui peut vous intéresser et compléter le petit résumé.

« Aux heures du jour – car la nuit n’était qu’une grande rumeur obscure -, ils croisaient parfois l’escorte d’un riche abbé, furtive, armée jusqu’aux dents, comme en pays ennemi. Et lorsque la poussière était retombée, l’on voyait souvent l’un de ces Parfaits Cathares, pieds nus, tête nue, la chevelure encore pleine de la dernière averse, sordide et sévère sous sa bure, et les mères à genoux venaient lui présenter les petits enfants… »

Décidément, je ne peux choisir un extrait de ce livre : tout est trop beau et je ne sais comment vous adjoindre à le lire. Peut-être la fin, si émouvante : Saint Dominique est mourant :

« Les frères sont assemblés pour recueillir, s’il est possible, quelque chose de la parole qui va s’affaiblissant. Dominique fait un signe de la main, ils s’approchent . A l’humble geste du saint, ils reconnaissent qu’il a quelque aveu public à faire, et qui pèse lourd sur son cœur. Celui qui a parut au Pape Innocent III dans un songe, portant l’Eglise de Latran sur ses épaules, conseiller des pontifes, conseiller des princes, arbitre de tant de destinées, maître et législateur de tant de consciences, découvre t-il en cet instant solennel, avec effroi, le caractère abstrait, presque terrible de sa vocation doctrinale ? Quel scrupule le tourmente ?

Les croisades, Sévilla, Historiquement correct


Les croisades
Contexte des croisades.
Le Moyen-Age se caractérise par un seul élément qui l’illumine : sa religiosité ( et non son obscurantisme comme on tend à nous le faire croire.) « L’époque médiévale croyait en Dieu, ce ne sont pas seulement les archives qui en témoignent, ce sont les humbles oratoires ou les massives cathédrales, ce sont les milliers de villages qui portent le nom d’un saint patron . Et ce sont les croisades » ( P34)
Cet élément de départ, la religiosité qui imprègne toute l’époque médiévale et les personnes, est essentielle pour comprendre le mouvement des croisades. « Au Moyen-Age, le temporel et le spirituel sont liés…l’idée moderne de laïcité est inconcevable. » (P35) Et encore : « Faire son salut sur terre pour échapper à la damnation représente un enjeu plus décisif que la vie elle-même. »(P36) Enfin, dernière notion importante pour recadrer le contexte des croisades : L’Eglise, qui transmet la parole divine, est la gardienne du dogme…Les autres religions sont erronées, nul doute à ce sujet….La liberté de conscience est une notion qui n’est pas seulement inconnue : elle est inintelligible. Puisque la vérité ne se divise pas, la liberté religieuse est au même degré incompréhensible. Et toute l’Europe occidentale partage cette certitude. » (P36)
« Ce n’est donc pas la soif de biens matériels qui a poussé les premiers croisés : c’est la dévotion. » ( P41)
L’expansion militaire de l’Islam.
L’objectif premier des croisades est religieux, donc. « Il s’agit de mettre ses pas dans les pas du Christ….Aller en Terre Sainte valant rémission des péchés, Bethléem, Nazareth et Jérusalem deviennent des buts de pèlerinage . » ( CF au-dessus, l’importance, à l’époque, de « réussir » sa vie spirituelle.) Ainsi, « ne plus avoir la faculté d’aller se recueillir sur le tombeau du Christ n’est pas supportable. »( P38)
Les Arabes prennent Jérusalem en 638 . Les pélerinages européens peuvent continuer, à condition de payer un tribut. Sur place, pour les chrétiens de Palestine, interdiction absolue de construire de nouvelles églises, ce qui , à terme les condamne.
Au début du XIe siècle, nouveaux envahisseurs : les turcs. « En 1078, les Seldjoukides s’emparent de Jérusalem. A partir de cette date, les pélerinages deviennent extrêmement périlleux. » (P37-38)
Au VIIe siècle, les musulmans ont occupé la Palestine et la Syrie ; au VIIIe siècle, ils ont anéanti la chrétienté d’Afrique du Nord puis envahi l’Espagne et le Portugal ; au IXe siècle, ils ont conquis la Sicile. Constantinople fait toujours face au péril turc.( schisme en 1054 )….
Reconquête de l’Espagne contre les Maures en 1085. Des chevaliers français prêtent main forte aux espagnols à l’appel du Pape Urbain II.
Les premières croisades .
Ce dernier se lance dans une tournée de prédication en France et appelle les personnes à se rendre au secours des chrétiens persécutés. Important : « A ceux qui affronteront l’aventure, le Pape promet une indulgence plénière et la sécurité de leurs biens, placés sous la protection de l’Eglise. »( P39)
En 1096, c’est la première croisade, composée plutôt par des gens du peuple que par des chevaliers. Cette première troupe, peu armée, se fait massacrer par les turcs le 10 août 1096.
Les survivants seront rejoint par les armées de la deuxième croisade. ( 4 armées : Flamands, Lorrains et Allemands avec Godefroi de Bouillon…les Provençaux avec Raimond de Saint-Gilles ; Normands et français avec Robert Courteheuse ; les normands de Sicile avec Bohémond de Tarente.) En tout : 30000 hommes, réunis à Contantinople en mai 1097.
Siège et prise de Jérusalem en juillet 1099 par les croisés. « La tuerie est avérée. » ( P41).
Mais il faut comprendre qu’à l’inverse, les Turcs ne faisaient pas de quartier non plus « dans la dentelle » si je puis me permettre l’expression. « Le 10 août 1096, 12000 pauvres gens de la croisade populaire ont été achevés par les Turcs. » (P41)
Les huit croisades : le bon grain et l’ivraie
Après la prise de Jérusalem, un royaume latin est institué avec comme chef Godefroi de Bouillon. (remplacé à sa mort par son frère Baudouin). Ainsi « Après l’élan mystique, une autre logique s’enclenche : elle est politique, elle est militaire. Voilà pourquoi le terme générique de croisades est trompeur.
Dès la prise de Jérusalem, chevaliers ou pauvres, les pélerins retournent massivement en Europe…Les Francs qui restent sur place sont isolés. » (P43) D’où la création d’ordres de moines-soldats qui protègent les Lieux saints et les pélerinages d’Europe : les Hospitaliers et les Templiers.
Reprise par les musulmans d’Edesse en 1144. Deuxième croisade prêchée par Saint Bernard de Clervaux en 1147 ( échec) ;
Troisième croisade après la prise de Jérusalem par le sultan Saladin. Croisade menée par trois rois et empereur : l’empereur Frédéric Barberousse, le roi de France Philippe Auguste, et le roi d’Angleterre, Richard cœur de lion. Echec quant à la reprise de Jérusalem, mais « l’expédition obtient toutefois la reprise des pélerinages. » ( P44)
Quatrième croisade, en 1202, à la demande du Pape Innocent III.Les volontaires de la croisade n’ayant pas réussi à rassembler la somme nécessaire pour leurs frais, « se paient en pillant la ville de Zara » ( Croatie) et surtout par le Sac de Constantinople ( Avril 1204).(P44)
Quatre dernières croisades : la cinquième, prêchée à nouveau par Innocent III, aboutit à la conquête de Damiette. La sixième, menée par l’empereur FrédéricII, aboutit à la restitution de Bethléem, Nazareth et Jérusalem. ( reprise en 1244 par les musulmans ). La septième croisade ( 1248-1254) vise de nouveau l’Egypte. Saint Louis est fait prisonnier et doit sa libération à une rançon : la ville de Damiette. Enfin, huitième croisade, menée en Tunisie, avec la mort de Saint Louis.
« En 1291, la perte de Saint Jean d’Acre signe la fin des établissements chrétiens au Levant » (P45)
Une intolérance partagée .
« .. les croisades forment, on l’a dit, une réplique à l’essor de l’islam. » (P46) Une formidable confrontation » entre l’Orient et l’Occident.(P45)
« Il est exact que des influences mutuelles se sont produites…Mais les trêves ne seront jamais durables. »
Intéressante mise au point sur Saladin P46-47, mis en scène dans un film américain l’année dernière sur les croisades ( le titre m’échappe, si il y en a un d’entre vous qui voit à quel film je fais allusion, merci de transmettre : c’était un film con comme un balai ) et présenté comme le summum de la tolérance.
Mise au point aussi sur le terme de djihad : « d’aucun voudraient réduire ce mot à son sens arabe ( effort suprême, tension vers un but ) en gommant son sens commun de « guerre sainte »
Enfin, dernière mise au point à propos d’une mode orientaliste qui « sévit également à propos de Constantinople ».Les Bysantins se sentiraient plus proches des musulmans que des occidentaux, en particulier, à cause du Sac de Constantinople .En fait, depuis la prise de la Syrie par les arabes en 636, Bysance n’a fait que résister aux musulmans. En 1453, Prise de Constantinople par les Turcs et la basilique Sainte Sophie devient une mosquée. « Vers 1090, écrit René Grousset, l’islam turc ayant presque entièrement chassé les Bysantins de l’Asie s’apprêtait à passer en Europe. Dix ans plus tard, non seulement la moitié de l’Asie Mineure sera rendue à l’hellenisme, mais la Syrie et la Palestine seront devenues colonies franques. La catastrophe de 1453, qui était à la veille de survenir dès 1090, sera reculée de trois siècle et demi. »
Les croisades seraient, selon les termes du romancier Amin Maalouf considérées par les arabes comme « un viol » et Sevilla de répliquer : « Un viol, les croisades ?…il sera toujours possible de répliquer que ce sont les musulmans qui, en envahissant des terres chrétiennes, ont violé les premiers. » (P49)
Sévilla, Historiquement correct, résumé du chapitre : « les cathares et l’inquisition médiévale »
« Le gnostique ( exemple : le cathare ) prétend vivre dans la vérité ; le chrétien l’accueille en lui du mieux qu’il peut. » ( American Black Box, P 325 )