vendredi 9 janvier 2009

Le Hamas

A propos du Hamas.
Extraits du livre : Frères Musulmans, dans l’ombre d’Al Qaeda
D’Emmanuel Razavi

Chapitre II, p63 à 93 : « Les frères musulmans et le conflit-israélo-palestinien »

Gaza, 19 août 2004. L’endroit est particulièrement symbolique pour les Frères Musulmans qui y ont implanté le Hamas en 1987.(…)
Si la ville est aujourd’hui un amas de ruines du fait des bombardements réguliers de l’aviation et des chars israéliens, les Palestiniens auraient pu en faire un Eldorado… Ai lieu de cela, Yasser Arafat et ses condisciples ont tout fait pour que la bande de Gaza devienne l’un des foyers de prédilection du Hamas. Depuis la seconde Infitada le 28 septembre 2000, l’organisation a commandité depuis Gaza plusieurs milliers d’attentats contre des civils israéliens, faisant de la ville l’une des places fortes du terrorisme islamiste.(…)
Ce mouvement de « la résistance islamique » a déclaré une lutte sans pitié à Israël. Peu importe que des civils payent le prix, d’un côté comme de l’autre.

Un combat moins territorial que social
Lorsque les Frères Musulmans implantent leur organisation en Palestine, ils n’ont pas vocation à se lancer dans la lutte armée. Bien sûr, à l’instar de tous les jihadistes, ils entendent « récupérer » le conflit israélo-palestinien. Mais leur objectif n’est pas militaire. Ils veulent simplement que la société palestinienne renoue avec les valeurs fondamentales de l’Islam et s’organise autour d’elles. Un thème récurrent chez les Frères qui considèrent la Palestine comme une propriété religieuse. Tout comme en Egypte, ils mettent en place un conseil des « sages » (la choura) chargé de diriger le mouvement. Parmi ses membres, deux hommes dont les noms sont devenus tristement célèbres : Ahmed Yacine, le cheikh paralytique qui dirige le centre islamique de Gaza et son bras droit le docteur Abdel Abdelaziz Rantisi. Deux fous d’Allah qui seront respectivement tués en mars et en avril 2004 par les Israéliens.
A l’époque, leur combat est en fait moins territorial que social et religieux. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles le service secret israélien, le Mossad, ne leur met pas trop de bâtons dans les roues. Ses responsables voient même d’un assez bon œil ce mouvement qui pourrait se positionner comme contre-pouvoir face à l’OLP et au Fath avec lesquels ils évitent de trop s’afficher.
Mais 1987 marque également le début de la première Intifada, le soulèvement de la guerre des pierres. Sous l’impulsion du cheikh Ahmed Yacine, le Hamas commence à se radicaliser. Ses leaders qui ont su intégrer beaucoup de jeunes cadres ne peuvent rester à l ‘écart des affrontements. Cela contribuerait à les décrédibiliser. Ils décident alors de créer une branche armée, les Brigades Ezzedin al Kassam. Celles-ci ne forment qu’un amas de terroristes qui instrumentalisent les plus jeunes, entraînant certains d’entre eux à commettre des attentats suicides. Ils parviennent ainsi à instaurer une véritable culture de la mort dans de nombreuses familles palestiniennes qui vouent un culte à leurs enfants tombés sous les balles israéliennes, quand ces derniers ne se sont pas fait sauter dans un bus ou dans un café à l’aide d’une ceinture bourrée d’explosifs !
… Mais la force du Hamas réside surtout dans le fait que l’organisation ne se contente pas d’envoyer ses membres jouer les kamikazes. A l’image des Frères Musulmans en Egypte, elle joue la carte de la proximité. Elle soutient les plus démunis, apporte une aide financière aux familles des « martyrs » de l’Intifada. En contrepartie, ces familles leur servent à communiquer. On se montre avec elles face aux caméras des télévisions arabes, on fait tirer des affiches à l’effigie de l’enfant disparu. Bref, l’action terroriste ne doit pas faire oublier l’activisme politique.

L’implantation des Frères en Palestine.
Le Mouvement de la Résistance Islamique vit son implantation en Cisjordanie facilité par le service secret israélien, le Mossad. Ainsi que je l’ai dit plus haut, celui-ci voyait en lui et en cheikh Yacine un moyen de contrer l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et Yasser Arafat. En effet, contrairement à ce dernier, l’objectif premier des Frères Musulmans en Cisjordanie n’a jamais été de défendre la cause d’un Etat Palestinien, mais l’organisation culturelle et sociale de son peuple autour des valeurs de l’Islam. Tout comme en Egypte, la cause nationaliste, même s’ils la défendent, n’est pas la priorité des Frères. Elle n’est qu’un prétexte à l’instauration d’un Etat islamique. Ainsi, les kamikazes palestiniens qui multiplient les attentats sanglants contre des civils israéliens depuis le début de la seconde Intifada ne sont pas les acteurs d’une lutte de libération de leur territoire, mais les protagonistes ignorants d’une guerre de religion dirigée par des fondamentalistes.

Islamo-victimisation et Jihad
L’une des constantes du terrorisme islamiste est le demande de retrait des troupes israéliennes des territoires occupés et de la bande de Gaza.
… Tout le monde s’accorde également à reconnaître au peuple palestinien le droit de créer son Etat.
Les intérêts du peuple palestinien ne peuvent être défendus par une poignée de criminels appartenant au Hamas ou au Djihad Islamique. Ces derniers utilisent des arguments fallacieux – et surtout des moyens terroristes – pour défendre une cause que la plupart des pays dans le monde considèrent juste.
Ont-ils vraiment envie que le combat prennent fin ? C’est la question qu’il faut se poser. Car le médiatisation à outrance de la deuxième Intifada a sans aucun doute servi les intérêts du Hamas plus que ceux de la cause palestinienne.
Lors d’un entretien qu’il m’accorda en Juin 2003, Barnéa Hassid, le porte-parole de l’ambassade d’Israël en charge de presse à Paris, analysait la situation avec lucidité : « Nous sommes dans un conflit asymétrique où les assaillants ne sont pas facilement identifiables. Ayant peu de moyens, ils utilisent le terrorisme[…] et il n’y a pas d’autre solution que d’aller frapper les terroristes là où ils sont. Le problème, dans ce cas précis, c’est qu’ils se cachent dans la société civile. On a pensé que l’opinion internationale comprendrait les faits comme la société israélienne les comprenait. Ce fut une grosse surprise de voir que celle-ci s’était retournée contre Israël. »
C’est que les Israéliens ont oublié à qui ils avaient affaire. Plus que des terroristes, ils ont en face d’eux un groupe structuré tant sur le plan paramilitaire que sur le plan politique. En bons tacticiens, les activistes du Hamas savent qu’il faut communiquer. Ils sont par ailleurs persuadés qu’une bonne photo se trouve, pour les journalistes, plus souvent du côté des faibles. Ils exploitent le filon sans aucun complexe.
Tout comme les membres d’AlQaeda en Irak, à commencer par Zarkawi, ils tentent de se donner une image de résistants, le Hamas ayant compris depuis bien longtemps qu’il fallait jouer la carte de la défense d’une terre et d’un peuple en abattant un joker essentiel : celui de l’islamo-victimisation. Leur jeu consiste à faire passer toutes les populations musulmanes pour des victimes du sionisme et de l’Occident judéo-chrétien. Ils établissent ainsi un lien direct entre le combat livré par les Palestiniens en Israël et celui mené par les islamistes en Irak, alors que les deux n’ont rien à voir.
De fait, chacun récupère la cause de l’autre afin que l’ensemble des Arabo-musulmans se retrouve impliqué à défendre une cause commune : celle du Jihad.

Un capitaine israélien d’une unité de Tsahal basée à Gaza en février 2003 parle à l’auteur de ce livre. Ce dernier conclut : « Comme beaucoup d’autres Israéliens, il reconnaissait le droit aux Palestiniens de disposer d’un Etat. Il comprenait même le sens de leur combat, pour autant qu’il s’agisse de défendre ce qu’ils considéraient être leur terre. Mais il ne comprenait pas que ses adversaires acceptent de mourir au nom de l’Islam. (…)
Il n’avait pas intégré une chose. C’est que face à lui, il y avait une armée de fondamentalistes pour qui le mot territoire ne signifie pas forcément pays ; des fous de dieu inspirés par les Frères Musulmans, pour qui la terre d’Islam n’a pas de limites.

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